Jean-Baptiste Laporte : Ouvrir les portes de la NFL (1/3)Kiné des Panthers de la Caroline

Jean-Baptiste Laporte aux Panthers
Jean-Baptiste Laporte aux Panthers
le 12/02/2014 à 18:30 par Thomas Depaepe

Lorsqu’il est arrivé au Canada en 2004, Jean-Baptiste Laporte savait qu’il aurait des obstacles à surmonter pour atteindre son rêve d’officier en tant que kiné en NFL… mais peut-être pas qu’il lui faudrait 10 ans pour que son abnégation paie. Mais au final, notre compatriote a réussi à réaliser son rêve en signant avec les Carolina Panthers en mai dernier; loin d’être une fin en soi, cette arrivée en NFL est le début d’une belle histoire.

Nous vous proposons donc de revenir en 3 articles sur le « french doctor» de la NFL afin de poursuivre une série d’articles débutée avec lui lors de la Coupe du Monde 2011 (il était alors kiné de la Team Canada) et poursuivi chaque saison pour suivre ses démarches, ses succès (comme le titre de champion du monde junior conquis à Austin face aux USA avec le Canada) mais aussi ses doutes lorsque les réponses négatives s'enchainaient.

 

La dernière fois que l’on a échangé (article publié dans le mag 4th&goal), tu sortais d’une victoire en Coupe du Monde avec les Juniors canadiens et tu allais faire un stage avec les Longhorns du Texas. On peut revenir sur ce stage qui semble t’avoir aidé à ouvrir les portes de la NFL ?

Lorsque j’étais au Championnat du Monde Junior 2012, j’ai profité du fait que Team Canada était comme les autres équipes logés sur le campus des Longhorns, pour aller taper à la porte du kiné chef de l’équipe universitaire ; je lui ai montré mon CV et je lui ai dit en substance « je suis libre au mois d’août, voici les techniques que je maîtrise et je suis très motivé pour pouvoir vous aider en tant que kiné bénévole lors de la pré-saison ». Une semaine plus tard, les Longhorns m’ont rappelé et m’ont dit qu’ils étaient ok pour que je vienne les aider. Evidemment j’ai sauté sur l’occasion car cela m’a permis d’avoir une superbe expérience d’un mois en NCAA ; à l’issue de cette expérience, j’ai fait un bilan personnel : cela faisait déjà 10 ans que j’étais au Canada et 7 ans que j’envoyais mes CV en NFL, je savais que je n’étais pas américain, que je n’avais pas de diplômes d’une grande université américaine, que je n’avais pas les connexions qu’ont les kinés qui sont dans le milieu du football aux USA… mais je me suis dit j’allais tenter une dernière fois ma chance.

Cela faisait déjà 2-3 ans que je me disais que c’était la dernière mais comme chaque année je rajoutais des expériences et formations sur mon CV, je restais au Canada un an de plus. J’ai donc fait mes lettres de motivations et mes CV en me disant que c’était peut-être la dernière fois ; j’ai envoyé le tout aux 32 équipes courant décembre ; peu après, j’ai commencé à recevoir les réponses négatives classiques que je connaissais si bien. J’ai d’ailleurs conservé chaque lettre ou email de refus depuis 7 ans en me disant qu’un jour je regarderais peut-être ce gros classeur de haut et cela me permet aussi de ne pas oublier les galères. Des refus donc … jusqu’au mois de février 2013 lorsque j’ai eu un appel du kiné en chef des Panthers qui m’a dit qu’il se souvenait de moi car j’étais passé les voir 3 ans plus tôt lors d’un séjour personnel en Caroline, et qu’il était « halluciné » de voir que je continuais à envoyer mon CV année après année malgré les refus. Il m’a alors dit qu’il avait enfin quelque chose à me proposer en rapport avec mes compétences car ils cherchaient quelqu’un à plein temps avec mon profil. Ils avaient appelé l’Université du Texas et ce qui était ressorti de l’échange avait été plutôt flatteur sur mon travail car on leur avait dit que « je n’étais pas comme les autres car je n’étais pas Américain, mais qu’il ne fallait pas le voir comme un souci car j’étais surtout ultra motivé et pro avec un gros bagage de compétences qui rendrait les Panthers meilleurs sur le plan médical ». On a alors échangé durant plusieurs semaines, et j’ai passé une journée d’entretien au siège de la franchise dans la foulée : c’était très bien fait car j’ai pu croiser tout le monde, du GM à l’équipe médicale en passant par le coach Ron Rivera. A chaque entretien c’était informel et sympathique car on me disait « tiens on va boire un café avec untel » mais en fait c’était un vrai entretien que l’on faisait en buvant le café même si cela n’avait pas la forme solennelle d’un entretien classique.

A l’issue de la journée, ils m’ont demandé un peu de temps pour réfléchir, même si j’avais compris lors de la journée que c’était plutôt positif car depuis le temps que l’on échangeait ils avaient clairement déjà muri leur décision et passé tous leurs candidats américains afin de me voir en dernier. A l’issue de la journée de test je suis reparti sur Montréal, et le lendemain, ils m’ont proposé par téléphone un poste à plein temps au sein de l’équipe médicale des Panthers en tant que responsable de la rééducation et prévention des blessures. Tout en faisant le même métier, chaque kiné de la franchise à une responsabilité plus prépondérante, et donc je suis le clinicien du staff.

JB Laporte avec l'équipe médicale de Team Canada
JB Laporte avec l'équipe médicale de Team Canada (JB Laporte)

Tu avais une autre piste que les Panthers pour entrer en NFL ?

En parallèle des Panthers, j’avais eu un entretien avec les Texans mais c’était pour un poste de dimension nettement inférieure et comme ils savaient que les Panthers étaient en processus avec moi et s’étaient manifestés en premier, ils ont été très fair-play lors de nos échanges en me souhaitant franchement d’être pris à Carolina. Si de l’extérieur on a l’impression que la NFL c’est un énorme business, de l’intérieur ce n’est pas comme cela car tout le monde se connait et se respecte. C’est en fait une petite famille.

 

Justement en parlant de taille, l’équipe des kinés des Panthers c’est combien de personnes ?

Il y a aujourd’hui 4 kinés à plein temps avec 2 stagiaires dans un staff médical. Ma chance c’est que jusqu'à la saison 2012, les Panthers étaient l’une des dernières équipes NFL à n’avoir que 3 kinés, donc quand ils ont voulu prendre un 4ème j’ai alors eu ma chance. Normalement les équipes misent plutôt sur des anciens stagiaires, mais là ils cherchaient quelqu’un qui pouvait leur proposer des techniques nouvelles et ils n’avaient pas ce profil dans leur pool de stagiaires… donc ils n’ont pas hésité à aller prendre à l’extérieur de la NFL, et qui plus est, à l’étranger.

 

Tu parlais d’une « petite famille » c’est vraiment surprenant car de l’extérieur on a l’impression d’un gros business implacable.

Après un an de NFL, je me suis rendu compte qu’il y a beaucoup de règles tacites qui poussent au respect car tout le monde se connait et se respecte. Personne n’a l’idée de tirer dans les pattes d’une autre franchise. Evidemment, on peut se dire que c’est parce que je suis dans le médical et que comme c’est la santé des joueurs qui est en ligne de mire ce serait une faute déontologique de faire autrement, mais ce n’est pas le cas : même entre coachs, entre préparateurs physiques… ils se connaissent tous et ils travaillent tous ensemble sans animosité quelque soit l’importance réelle des résultats sur le terrain. De l’intérieur tu as vraiment l’impression que chaque équipe est une famille, et qu’au dessus de cette famille tu as la grande famille NFL. Concrètement, on est tous des employés de la NFL avant d’être dans telle ou telle franchise : je suis d’abord un employé de la NFL avant d’être un employé de la Caroline ! Cela veut dire que tu es l’un des représentants de la ligue et donc tu ne vas pas aller « tirer » sur des autres personnes de la NFL qui sont tes collègues avant toute chose. Les joueurs font le show sur le terrain mais dans les faits ils se respectent et se connaissent tous.

En clair, la NFL c’est un univers très respectueux où les joueurs, même après avoir été transférés, continuent à appeler leurs anciens partenaires, à partir en vacances ensemble… le fait que ce soit un milieu très fermé renforce forcément ce côté familial. Tout est impressionnant en NFL, tout est gros, mais au final cela reste des êtres humains qui font du football leur métier et toi, tu restes un kiné classique qui fait son métier comme tu le faisais avant auprès d’autres patients.

 

Dès lors comment s’est passée ton arrivée dans la famille NFL ?

Comme je suis le nouveau, avant les matchs on me présentait à l’équipe adverse de manière rapide. Tout le monde médical de la NFL (NDLR : il y a environ 130 kinés dans la ligue) était évidement au courant qu’il y a un nouveau chez les Panthers et donc les autres équipes médicales désiraient me serrer la main. Ces premiers échanges étaient très rapides, mais je vais rencontrer très bientôt toutes les personnes évoluant dans le médical en NFL. On a 3 jours de séminaires en marge du Combine, sans compter les jours de test à Indianapolis où tous les staff médicaux des 32 équipes travaillent ensemble pour évaluer les postulants à la draft sur un plan sanitaire et physique.

 

Et au sein de la famille des Panthers, comment s’est passée ton intégration ?

De ce côté là, j’ai très vite été dans le bain avec le camp d’entrainement. Lors de ta première semaine, tout le monde s’intéresse à toi car tu es le petit nouveau : les joueurs veulent savoir ton parcours, ta famille, ta vie ! Puis bien sûr suivent les questions sur ce que tu es capable de faire comme techniques ou approches en tant que kiné, sur ce que tu peux leur apporter par rapport à leur préparation physique… et comme en plus j’étais le « frenchy » ils étaient forcément encore plus intrigués et curieux. Quand je leur racontais mon histoire personnelle ils adoraient l’entendre car pour eux aussi rien n’a été simple et rien ne leur a été donné pour intégrer la NFL ; il y avait certainement une certaine forme d’identification qui jouait pour moi. Ceci dit il faut bien voir que je ne viens pas du même milieu que les autres personnes du staff des Panthers, je n’ai pas été bercé par le football américain depuis mon plus jeune âge, je n’ai pas connu le high school de haut niveau, les gros programmes NCAA… je n’avais aucune connexion dans le milieu donc j’ai dû tout faire par moi-même ! Dès lors, quand ils me disaient que j’étais chanceux d’être là aujourd’hui je leur répondais que c’était surtout mon travail et ma volonté qui m’a permis de faire ma place. Le milieu NFL, extrêmement exigeant,  est un reflet amplifié des Etats-Unis qui ont une philosophie du « travail » et du « mérite ».

 

A suivre très bientôt, le second article :"Les premiers pas en NFL : du camp d'entrainement à la pré-saison"

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 Un coach qui a du succès est un coach qui est toujours sous contrat.  – Ben Schwartzwalder, coach, Syracuse

En VO :  A successful coach is one who is still coaching. 

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