C'était Buddy RYAN

Au firmament.
Au firmament.
le 03/07/2016 à 17:20 par Tili

Cette semaine, mardi 28 juin 2016, le légendaire James David « Buddy » RYAN tire sa révérence. Les dépêches initiales fixent son âge à 82 ans. Toutefois, l’autobiographie de son fils Rex et les archives publiques rectifient. Il naît en 1931, pas 1934. Deux explications plausibles à cette méprise selon son agent. Soit les Jets commettent une faute quand ils retranscrivent sa date de naissance après son embauche en 1968, soit il soustrait volontairement trois ans à son âge réel pour apparaître plus jeune quand il cherche son premier emploi en NFL. Pour quelqu’un qui vit dans la controverse, quelle fin plus appropriée que celle lui accordant une tribune pour une dernière facétie ? Il décède donc à 85 ans, comme un ultime caprice du destin le liant à jamais à son chef-d’œuvre de l’année correspondante. Le concept de défense perd son plus fervent contributeur. Un cerveau innovateur dont le labeur se répercute encore aujourd’hui. Avec sa descendance notamment, particulièrement Rex, dont la réussite défensive éclabousse le championnat avec les Ravens (2006 et 2008) puis les Jets (2009). Avec également les Broncos 2015 qui, lors du Super Bowl 50, adoptent plusieurs fronts semblables à ceux de la défense 46 pour contrarier les velléités des Panthers. Le sulfureux coordinateur et entraîneur lègue un héritage colossal. Il est l'architecte de l'escouade la plus révérée de tous les temps, toujours considérée comme la meilleure par beaucoup : les Bears 1985. Son empreinte s’observe en outre sur deux défenses possiblement dans le top 10 de l'ère du Super Bowl : il assemble les Bears 1986 et les Eagles 1991. Sans oublier pléthore d'autres groupes, oscillant entre excellents et historiques sous sa houlette : Bears 1984, Eagles 1989, Oilers 1993, Cardinals 1994. Au cours d’une période influencée par les révolutions offensives telles que l’Air CORYELL et la West Coast Offense, Buddy RYAN redéfinit l’autre côté du ballon.

 

Certains prétendent que la défense 46 est juste un front à huit. C’est comme dire que Marilyn MONROE est juste une fille.
Le coordinateur acquiert le poste chez les Bears en 1978. Il hérite d’une unité incapable d’arrêter la course et de générer de la pression. Parmi les forces à disposition se trouve Doug PLANK, un safety qui aime le contact et enchaîne les plaquages. Buddy RYAN décide d’exploiter ce profil. Pendant une mise en place tactique, il dessine une formation atypique sur le tableau noir. Il place le safety proche de la ligne de scrimmage pour occuper un rôle similaire à celui de middle linebacker. Il n’appelle personne par son prénom. Il réduit ses favoris à leur numéro, les autres à des adjectifs déplaisants. Comme la moindre singularité (blitz, couverture, front…) se réfère au défenseur concerné, ainsi naît la défense 46, en rapport avec le maillot arboré par Doug PLANK. Option alternative destinée aux troisièmes tentatives et/ou situations de passe évidente, elle évolue en base ultra complexe autour de laquelle l’ensemble du système se construit dès 1981. Cette année-là, la draft du middle linebacker Mike SINGLETARY fournit le lieutenant adéquat, relais sur le terrain en charge de guider les troupes. Conséquence : le strong safety glisse vers l’extérieur, tantôt côté faible (le plus souvent), tantôt côté fort (parfois). De façon simplifiée, la défense 46 se compose d’un front à huit avec quatre linemen et deux linebackers répartis sur la ligne de scrimmage, un linebacker derrière en soutien, et surtout le 46 à proximité en tant que linebacker de substitution. L’idée : envoyer entre cinq et huit joueurs chasser le quarterback ou le running back. La finalité consiste à submerger la protection. La multiplication des menaces occupe et/ou trouble divers bloqueurs. Une cohue censée dégager le chemin jusqu’au porteur de balle, passeur ou coureur. Ceux assignés à la couverture servent de leurre, puisque l’alignement initial suggère un blitz. Une approche connue sous le nom de zone blitz, chère notamment à Dick LeBEAU et présente dans tous les cahiers de jeux contemporains. Les cornerbacks, quant à eux, jouent en man free et du bump and run. La deuxième possibilité perturbe les routes courtes ; elle désynchronise le quarterback et ses solutions immédiates. SafetySafety
Signifie deux choses différentes :
1- c'est le plaquage du porteur du ballon dans sa propre zone d'en-but. Cela rapporte 2 points à l'équipe qui l'effectue et elle récupère la possession du ballon. L'équipe victime du safety va alors dégager depuis ses 20 yards au moyen d'un botté façon puntPunt
action utilisée en 4ème tentative et x yards à parcourir. Plutôt que de tenter les x yards, l'attaque choisit de botter le plus loin possible pour faire reculer son adversaire.
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2- c'est un poste en défense. Le safety est en quelque sorte le dernier rempart. Il tient en quelque sorte le rôle d'un libéro en football européen.
en linebacker, defensive end en couverture, defensive back en pression, changements d’alignements… Une diversification des rôles et des mouvements pré-snap communs dorénavant, inédits en ce temps-là. Les safeties hybrides jouant dans le trafic se répandent de nos jours, il s’agit d’une nouveauté à l’époque. Le onze ne se contente pas de lire et réagir, il impulse le mouvement et soumet sa volonté. Tout simplement, il attaque. Inlassablement. Encore et encore. Buddy RYAN est le père des défenses modernes : rapides, polyvalentes, variées, autorisant les éléments à s’ajuster sur la pelouse en comptant sur leur QI football, adoptant des formations et couvertures automatiques en fonction des personnels et alignements offensifs, semant la confusion. Au fil des saisons, au fur et à mesure que les talents abondent dans l’effectif, le schéma fructifie. Dans une optique d’efficacité, il se simplifie pour coller davantage aux qualités de chacun, se perfectionne, jusqu’à atteindre la maturité à partir de 1984. Les Monsters of the Midway effectuent leur retour à Chicago. Débute pour eux trois ans de domination à la résonance inégalée. Et une décennie d’excellence défensive pour le tacticien, qui exporte ensuite son savoir chez les Eagles (entraîneur de 1986 à 1990), les Oilers (coordinateur en 1993) et les Cardinals (entraîneur en 1994 et 1995). Tandis que la compétition s’oriente vers l'attaque Spread en réponse, son bébé s’adapte, se décline sous diverses formes et survit. Il se renouvelle, principalement parce que son géniteur possède un don indéniable pour dénicher les perles. Il drafte Dan HAMPTON et Al HARRIS en 1979, Otis WILSON en 1980, Todd BELL et Mike SINGLETARY en 1981, Richard DENT, Dave DUERSON et Mike RICHARDSON en 1983, Wilber MARSHALL en 1984, Clyde SIMMONS et Seth JOYNER en 1986, Jerome BROWN et Byron EVANS en 1987, Eric ALLEN en 1988, Blaine BISHOP en 1993. Parallèlement en 1981, il enrôle Leslie FRAZIER, rookie non-drafté, et Steve McMICHAEL, agent libre laissé pour compte. Grâce à leur production avec lui à la baguette, trois de ses poulains obtiennent des sésames individuels : Mike SINGLETARY et Reggie WHITE sont élus défenseur de l’année 1985 et 1987, Richard DENT est élu MVP du Super Bowl XX. En compagnie de Dan HAMPTON et Aeneas WILLIAMS (Cardinal dont les deux premières nominations All-Pro remontent à 1994 et 1995), ils intègrent le Hall of Fame.
La défense, c’était Buddy RYAN.

Un quarterback n’a jamais complété une passe lorsqu’il gît sur le dos. Nous devons le secouer violemment et souvent. Les quarterbacks sont surpayés, surcotés, des bâtards pompeux et nous devons les punir.
L’inimitié comme moteur avec la malveillance pour carburant, une hyperbole aux allures d’euphémisme. La pièce maîtresse obsède ses pensées, cristallise sa rancœur, reflète sa répulsion. Il l’exècre. Son rêve : l’envoyer au tapis snap après snap. Un ressentiment, une furie cultivés auprès de ses soldats. En cas de ballon retourné suite à un turnover, leur mission consiste à localiser le passeur pour lui administrer un bloc destructeur. Gagner la guerre revient à gagner le match ; gagner la bataille revient à ce que l’assaillant recoure à son quarterback remplaçant, signe que le harassement du titulaire l’empêche de poursuivre la rencontre. En 1985, les Bears remportent 11 batailles en 19 matchs. L’approche entière de Buddy RYAN relève du même état d’esprit. Il nourrit une profonde aversion pour l’attaque globale. Elle est son ennemi intime. Son animosité se matérialise par un style hyper agressif. Il exige des interventions musclées, rugueuses, bestiales, impitoyables, pour traumatiser physiquement et mentalement. L’intimidation fait partie intégrante de son arsenal. Il exhorte à la cruauté. D’où l’appellation Buddy Ball pour résumer cette philosophie à la limite de la régularité, qualifiée de Neanderthal Ball par Bill PARCELLS, à la tête des Giants. En effet, la frontière s’avère mince entre engagement extrême et attitude crapuleuse. À force d’exacerber continuellement les tensions, d’échauffer perpétuellement les esprits, d’encourager incessamment les comportements tangents, la ligne est franchie à répétition. Comme en témoignent le Bounty Bowl et le Body Bag Game.
La haine de l’attaque, pour le meilleur et pour le pire, c’était Buddy RYAN.

Kevin GILBRIDE vendra des assurances dans deux ans.
Les attaques adverses ne sont pas les seules à subir ses foudres. Ses propres collègues font l’objet de son ire. À commencer par ses homologues lorsqu’il est coordinateur. Certaines séances d’entraînement trop intenses débouchent sur des altercations. En cause : ses défenseurs trop virulents à l’égard de leurs partenaires. Question confrontation, il n’est pas le dernier. Son fait d’arme le plus tristement célèbre survient en 1993. Depuis l’inter-saison, la cohabitation est tendue avec Kevin GILBRIDE, son alter ego dirigeant l’attaque. Le premier, adepte du jeu athlétique et donc de la course, ne cesse de railler publiquement l’attaque du second basée sur les airs. Il qualifie péjorativement le Run and Shoot de Chuck and Duck, un procédé lâche qu’il juge trop pauvre en testostérone pour réussir dans ce sport viril. Le rythme élevé et la surabondance de passes provoquent des incomplétions, l’arrêt du chronomètre, des opportunités supplémentaires pour l’opposant, donc une défense sollicitée davantage. Selon Buddy RYAN, le dédain de la course pour clore les mi-temps ou les matchs surexpose son groupe et blesse indirectement deux de ses hommes. La dissension atteint son paroxysme à l’occasion de la dernière journée de saison régulière, contre les Jets. L'attaque des Oilers récupère le ballon sur ses 33 yards, il reste quelques secondes avant la pause. Au lieu d'enchaîner les kneel downs pour rentrer au vestiaire à 14-0, Kevin GILBRIDE veut inscrire d'autres points et appelle des passes. La première finit incomplète, la deuxième en fumble perdu suite à un sack. Cela oblige la défense à revenir avec un terrain court à protéger. En somme, la goutte d'eau qui fait déborder le vase. L’ardent compétiteur enrage. Il explose. Il tente d’asséner un coup de poing à son confrère. Le banc les sépare rapidement. Les caméras d’ESPN captent la scène surréaliste, les ralentis ne tardent pas. L’incident prend des proportions exponentielles dû au prisme déformant du prime time, parce qu’il se produit en direct, sur la télévision nationale, qui plus est en plein Monday Night Football, véritable institution à cette période.
[Earnest JACKSON –son futur running back à Philadelphie– ?] Échangez-le contre un pack de six, même pas besoin qu’il soit frais.
Lorsqu’il est le patron, ses subordonnés endurent le même traitement de faveur. Vu de l’extérieur, l’ennui disparaît avec lui. Il ramène l’excitation et l’espoir à Philadelphie (et dans l’Arizona l’espace d’une saison). Il n’achève peut-être pas le travail, mais il redresse une franchise en perdition et redonne leur fierté de supporter aux locaux. Ceux-ci fuient le Veterans Stadium au milieu des années 80 ; l’enceinte recommence à se remplir sous l’ère RYAN. Sa croisade contre les rivaux ancestraux de la NFC East ravit. Il offre aux fans des souvenirs qu’ils chérissent. Souvenirs essentiellement engendrés par la brutalité de Gang Green, les extras, les dérapages. Les coordinateurs promus entraîneurs rencontrent inévitablement cette problématique : développer le sens du jeu avec lequel ils ne sont pas familiers. De ce point de vue, Buddy RYAN échoue dans les grandes largeurs avec les Eagles puis les Cardinals. En retrait avec son attaque et/ou trop impliqué envers sa défense, ses écuries peinent et se déséquilibrent immanquablement. Difficile alors de concourir dans la conférence et la division reines. C’est d’ailleurs là où le bât blesse. Unanimement acclamé comme maître défensif, son inaptitude à faire progresser suffisamment l’autre moitié lui coûte un palmarès digne d’une carrière pleine et épanouie. Tel père, tels fils : les RYAN remportent cinq Super Bowls en six participations, à chaque fois comme assistants et non entraîneurs principaux. Rex gagne le XXXV avec les Ravens 2000 en tant qu’entraîneur de la ligne défensive. Rob l’emporte au XXXVI avec les Patriots 2001 et au XXXVIII avec les Patriots 2003 en tant qu’entraîneur des linebackers. Buddy, pour sa part, conquiert le III avec les Jets 1969 en tant qu’entraîneur de la ligne défensive, s’incline au XI avec les Vikings 1976 puis décroche le XX avec les Bears 1985 en tant que coordinateur défensif. Capitaine du navire ? Un costume trop grand apparemment.
La coexistence tumultueuse avec l’attaque, y compris avec la sienne, c’était Buddy RYAN.

Les idiots font la gueule. Vous ne voyez jamais les gars intelligents bouder. Hé, ils sont bien payés. S’ils ne font pas leur boulot, on leur demandera des comptes. Les bons joueurs réagissent toujours de la bonne manière.
Le brillant technicien est surtout un énergumène haut en couleurs, incarnation de la passion, cette émotion vive mélangeant insidieusement amour et haine. Adulé par les uns, conspué par les autres. Il pratique l’amour vache. Sûrement les braises de sa brève expérience militaire. Un fonctionnement destiné à briser l’individu et faire émerger le collectif. La disparition des égos au profit d’un amalgame égocentré sur la défense, le schéma et les consignes, voilà son idéal. Le gourou supprime les individualités mais conserve les personnalités. Chacun est libre de rester lui-même, du moment qu’il satisfait aux exigences et ne commet pas d’erreur. Sur cet aspect précis, il se veut intransigeant, spécifiquement avec ses préférés. Avec les adversaires comme avec les siens, il attise la friction. Il façonne les habiletés pour qu’elles répondent au schéma, il façonne le schéma pour qu’il réponde aux habiletés. Discipline et rigueur concernent les responsabilités sur le terrain, pas la manière de se comporter. Il modèle les compétences et la mentalité, pas les âmes. Adieu refoulement et carcans rigides, bonjour extériorisation et liberté. Le processus ne se déroule pas sans heurt. Tous craignent de devenir sa cible pour manque de combativité et/ou méchanceté, se faire traiter de fillette devant les autres. Néanmoins, à travers ce même processus, ils forgent une éthique de l’effort précieuse. Ainsi qu’un sens de la fidélité et de la loyauté sans équivalent, permettant à chacun de se sublimer et à l’ensemble de supplanter la somme de ses parties. Tous aspirent à une chose : recevoir de la reconnaissance de sa part, aussi brève et fugace fût-elle. À l’image d’un « bon travail » lancé à la volée, ou d’une tape amicale dans le dos. Ils se découvrent prêts à tout pour, avec et grâce à lui.
[Mike DITKA et moi] discutons rarement. Je me contente de déposer mon plan de jeu sur le bureau de sa secrétaire, qui le dépose sur le sien. En même temps, ce n’est pas comme s’il y comprenait quelque chose.
Apprécié par ses protégés (pas tous), il ne craint pas de se faire des ennemis même dans son propre vestiaire. Manifestation de cette propension : les luttes d’influence engagées avec ses collaborateurs pour marquer et délimiter son territoire. À Chicago, il entretient une relation dysfonctionnelle, électrique et conflictuelle avec le pourtant caractériel Mike DITKA. Sur ordre du propriétaire, ce dernier doit le conserver dans le staff lors de sa prise de fonction en 1982. Il tente d’implanter la défense Flex. En vain, car Buddy RYAN lui rétorque sèchement de ne pas interférer. Il lui fait clairement comprendre qu’il ne faut pas se mêler de son domaine. L’aigreur de ne pas obtenir le poste-clé pour l’un couplée à la frustration de ne pas tout contrôler pour l’autre déclenchent et alimentent les hostilités. Le turbulent coordinateur lance parfois des gommes en direction de la porte lorsque l’entraîneur arrive aux réunions. Quand celui-ci suggère le mode préventif à la fin de matchs dont l’issue est décidée, il parle à un mur qui l’ignore et qui lui tourne les talons. En quatre saisons de vie commune, on les sépare à plusieurs reprises à cause de situations qui s’enveniment à l’entraînement ou à la mi-temps. En dépit de l’environnement délétère, les Bears remportent le Super Bowl XX. À cette occasion, Buddy RYAN devient le premier et certainement l’unique assistant porté en triomphe. Un privilège réservé au numéro un normalement. Dan HAMPTON confesse a posteriori qu’il s’agit d’un geste spontané, étonnement suivi d’une action calculée. Effectivement, alors que les défenseurs pensent immédiatement à leur mentor et préparent leur coup, ils réalisent qu’il faut aussi célébrer Mike DITKA pour respecter la tradition, ne pas créer de précédent et ménager sa susceptibilité. Les vidéos de l’évènement montrent le premier s’élever dans les cieux du Louisiana Superdome quelques secondes avant le deuxième. Preuve supplémentaire de l’importance revêtue par le fougueux savant auprès de ses ouailles, de la scission du pouvoir au sein de cette équipe pittoresque. Ironie du sort : par la suite, ils ne réussissent pas aussi bien éloignés qu'associés. À croire que même deux yin peuvent produire une complémentarité improbable, que la folie de l’un est en définitive nécessaire à canaliser, contrebalancer celle de l’autre.
[Harry GAMBLE –à l’ascension fulgurante dans l’organisation des Eagles–] doit être le fils illégitime de [Norman] BRAMAN, le propriétaire.
Conférences de presse polémiques, déclarations tapageuses, provocations, sorties de terrain sans saluer la partie adverse, commentaires déplacés à l’égard de sa hiérarchie… Autant de facteurs qui étoffent sa part sombre. Colérique, entêté, irrévérencieux, authentique, hargneux, cru… Autant de traits distinctifs de son être. Jamais avare en formules ravageuses, il fait le bonheur des médias. Rien ne l’arrête ; il n’hésite pas à s’en prendre aux figures emblématiques de la ligue. Comme en 1987. Lors du match de reprise après la grève, il s’illustre contre les Cowboys en feintant un kneel down à dix secondes de la fin, avec une avance de dix points. Il appelle une passe longue qui débouche sur une pénalité puis un touchdown, scellant le score à 37-20. Une conduite non conventionnelle en guise de vengeance sur Tom LANDRY, accusé d’avoir fait pareil lors du match antérieur disputé en pleine grève. À ce moment-là, l’entraîneur de Dallas utilise plusieurs vedettes ayant franchi le piquet face aux remplaçants de Philadelphie. Rancunier, Buddy RYAN s’empresse de lui retourner la faveur. L’élan de sympathie lié à son décès ne doit pas tromper sur la nature du bonhomme. De son vivant, lorsqu’il opère, il jouit d’une réputation épouvantable. Il fait l’unanimité dans le négatif. Ses pairs le voient comme une nuisance, un trublion à éviter. Ses méthodes douteuses lui auraient valu à coup sûr un bannissement dans la NFL actuelle.
Le personnage Buddy RYAN, c’était ça.

 

Je ne veux pas enlever quoi que ce soit à Jim McMAHON et l’attaque, mais nous aurions probablement gagné [le Super Bowl] sans eux.
Cette citation finale le résume presque à elle seule : chef d’orchestre d’escouades historiquement dominantes, premier détracteur des attaques, source d’excentricités qui n’épargnent ni adversaires ni partenaires, professionnel techniquement et défensivement accompli bien qu’offensivement et humainement critiquable. Quelqu’un sans qui on ne peut raconter l’histoire de la NFL est généralement considéré comme un Hall of Famer. S’il n’a jamais vraiment suscité l’attention de l’honneur individuel suprême, Buddy RYAN n’en demeure pas moins un protagoniste primordial sans qui la généalogie de la défense serait imparfaite. La plupart des acteurs du milieu craignent pour leur emploi et se montrent frileux. Ils ne recherchent ni l’innovation, ni la création ; ils restent conservateurs et se contentent d’acquis fragiles. Pas lui. Chaque semaine, il essaye quelque chose d’original. Il réfléchit constamment au moyen, licite ou illicite, de procurer un avantage aux siens. Une fois la recette trouvée, la révolution s’enclenche, la donne change et la ligue tremble. En avance sur son temps, l’effrayante défense 46 dicte sa loi pendant des années. Elle exhibe une agressivité et une dimension physique hors du commun. Une défense qui attaque. Tout le monde. Tout le temps. Et qui contraint à s’ajuster à elle au lieu de l’inverse. L’œuvre de Buddy RYAN ne saurait s’appréhender sans deux composantes majeures, responsables aussi bien de ses succès défensifs que de ses échecs collectifs : l’antagonisme avec l’attaque, spécialement le quarterback, et son tempérament impétueux. La dualité grand coordinateur / piètre entraîneur, l’ambivalence adoré par ses joueurs / détesté par les autres lui collent à la peau. Le politiquement correct, les non-dits, la retenue…, il ne connaît pas. Précurseur, polarisant, unique, iconique…, il ne laisse indifférent. On l’aime, on le déteste. On aime même le détester. Le bon comme le mauvais, les hauts comme les bas, l’oubliable comme l’inoubliable… Un génie indissociable de ses frasques.
L’héritage de Buddy RYAN, c’est tout ça. Tout ça, c’était Buddy RYAN.
À l’heure où tout paraît aseptisé, les personnages de cette trempe n’existent plus. Il sera sans doute sincèrement regretté. Quoique… Quoique ? Peu importe. Merci pour la marque indélébile apposée sur ce côté du ballon. Reposez en paix, Monsieur RYAN.

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 Les perdants d'hier sont les gagnants de demain.  – Terrell Owens

En VO :  Yesterday's loser was determined to become tomorrow's winner. 

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