Ravens 2006 : regrets éternels

Cruelle désillusion pour Ray LEWIS et ses acolytes.
Cruelle désillusion pour Ray LEWIS et ses acolytes.
le 24/06/2015 à 18:00 par Tili

Ce devait être l’année du deuxième titre. Ce devait être l’avènement de la meilleure équipe que la franchise ait connue. Ce devait être un nouveau sacre pour une défense une nouvelle fois exceptionnelle. Finalement, ce fut l’année de la plus grande déception. Ce fut l’année des « si seulement », l’année des lamentations infinies. À l’occasion de la vingtième saison des Baltimore Ravens en 2015, retour sur leur défaite la plus dévastatrice.

 

 

LA MEILLEURE DES SAISONS…

En 2006, des rêves légitimes de Super Bowl s'écroulent à domicile contre l’épouvantail Colts, dans un AFC Divisional mémorable. Face à l'un des mastodontes offensifs de la décennie, la défense délivre une prestation sensationnelle. Problème : l’alter ego d’Indianapolis, emmené par le strong safety Bob SANDERS, performe un cran au-dessus.

Pour la seule et unique fois, les Ravens engrangent 13 victoires de septembre à décembre. Ils s'adjugent ainsi de façon inédite la bye en janvier ; achèvement réalisé à une seule autre reprise, en 2011. Un triomphe pour l’entrée en lice aurait permis d'accueillir la première finale de conférence ; chose que Baltimore n'a plus connu depuis 1970 et… les Colts de Johnny UNITAS, alors pensionnaires de la ville du Maryland. En outre, les Ravens balayent les Steelers pour la première fois (chose refaite exclusivement en 2011) sur un score cumulé de 58-7, incluant un shutout au M&T Bank Stadium.

Saison régulière à 13 succès, exemption de premier tour, sweep du rival de Pittsburgh… Trois accomplissements rendus possibles encore et toujours par la défense, à propos de laquelle les superlatifs ne manquent pas en 2006. Pour la deuxième fois après 2000, elle se classe première aux points brutsPoints bruts
Points totaux encaissés par les trois entités d’une équipe (défense, attaque et unités spéciales). Précisions supplémentaires ici.
(chose non refaite). Avec 201 (12.6 de moyenne), elle établit la 8ème plus petite marque depuis 1978 et le passage à 16 échéances, aussi bien en 2006 que maintenant. Pour la première fois en revanche, elle termine première aux yards (chose également non refaite). Avec 4225 (264.1 de moyenne), elle se classe 29ème parmi les 793 défenses ayant évolué en NFL entre 1978 et 2006, 32ème parmi les 1049 entre 1978 et maintenant. Depuis 1936 et des calendriers équivalents en nombre de dates pour tous les participants, cette escouade intègre ainsi le cercle privilégié des défenses « double 1 », à savoir 1ère aux points bruts et 1ère aux yards. La 27ème sur 85 possibilités à l'époque (71 saisons NFL + 4 AAFC + 10 AFL), l’une des 32 sur 93 à ce jour. En comparaison, il existe 49 attaques « double 1 » en 2006, 54 actuellement. Si 2000 est unanimement salué comme le cru défensif référence des corbeaux, 2006 n'a pas grand chose à lui envier. D'avis personnel, il le surclasse sur le papier.

Incroyablement dominante, la version 2006 truste la tête d’une quantité ridicule de catégories statistiques.

Sous la houlette du cerveau Rex RYAN, le front seven adopte une forme hybride, à l’aspect 3-43-4
formation défensive avec 3 linemenLinemen
littéralement, les hommes de la ligne (de scrimmage). Il y a les linemen offensifs et les défensifs. Ils s'opposent dès le snapSnap
signal de départ de l'action, quand le centre transmet la balle au QB.
donné.
et 4 linebackers.
ou 4-34-3
formation défensive avec 4 linemen et 3 linebackers.
selon les situations. Une flexibilité envisageable grâce à la vitesse et à la polyvalence des éléments. Objectif ? Semer la confusion chez l’attaque adverse. Pré-snap, les mouvements sont légions. D’un jeu à l’autre, les alignements varient. Difficile de déchiffrer ce que chacun va faire. Pression ? Couverture ? Il n’est pas rare que les linebackers intérieurs blitzent tandis que les joueurs de ligne assurent la couverture des zones courtes et/ou le rôle d’espion. Il n’est pas rare que l’ensemble du front seven s’aligne sur la ligne de scrimmage. Il n’est pas rare que les linebackers s’agglutinent du même côté. Il n’est pas rare que les pass rushers, même intérieurs, se présentent en posture deux points et non trois. Il n’est pas rare que les safeties arpentent la ligne de scrimmage. À travers un ballet atypique et désordonné, il s’agit de suggérer le blitz, ou, le cas échéant, masquer d’où il va provenir. En mixant une pression composée de joueurs de chaque ligne, la finalité consiste à utiliser différents leurres pour occuper ou troubler divers bloqueurs. Ceci afin de presser le quarterback avec un minimum de joueurs et d’en envoyer un maximum en couverture. L’incertitude perpétuelle générée donne l’impression d’une pagaille échappant à tout contrôle, une sorte d’anarchie totale. Or, le tout est savamment orchestré, étudié et planifié. D’où une défense surnommée « organized chaos », le chaos organisé.

De cette pression résultent deux records collectifs de franchise non battus : de sacks avec 60 (11 unités supplémentaires par rapport à la marque précédente) et d’interceptions avec 28. Dans cette configuration tactique, Adalius THOMAS excelle et connaît une année faste. Tour à tour linebacker, defensive end, strong safety voire cornerback, son activité et son influence deviennent vastes. Véritable métronome capable de presser le quarterback, verrouiller son extérieur, chasser le running back, couvrir le tight end et le receveur, il parachève un exercice digne d’un défenseur de l’année. Rouage prépondérant de la machine la mieux huilée, il ne reçoit aucune attention lors de l’attribution du sésame. Contrairement au linebacker Ray LEWIS et au defensive end / tacke Trevor PRYCE, gratifiés d’un vote chacun. Le légendaire numéro 52 régente la zone médiane, comme à l’accoutumée. L’ancien Bronco, quant à lui, s’offre une seconde jeunesse. À 31 ans, il égale son record de sacks établit huit ans auparavant avec 13. Autant en une saison que lors des trois précédentes cumulées. Parmi ses nombreux faits de gloire, cette défense est juste la deuxième après le Dome Patrol de 1992 à envoyer ses quatre linebackers titulaires au Pro Bowl. Dans les annales des Ravens, elle figure dans une classe à part, supérieure à celle des excellentes (2009, 2010), des merveilleuses (1999, 2001, 2011) et des prodigieuses (2003, 2004, 2008), celle du chef-d’œuvre inachevé, que l’échec dans la quête du Graal empêche d’être absolu (2000). Assurément, l'une des meilleures défenses de tous les temps.

 

… SE FINIT DE LA PIRE DES MANIÈRES !

Meilleure formation du championnat, avantage du terrain, attaque parfois productive, défense outrageusement dominante, effectif complet et en bonne santé avant d’aborder les joutes éliminatoires. Autant de qualités qui rendent l’insuccès difficile à digérer. Une saveur désagréable exacerbée par le contexte historique. Dès leur naissance en 1953 et jusqu’en 1983, les Colts résident à Baltimore, avant un déménagement tumultueux pour Indianapolis en 1984, toujours ressenti comme une trahison. Côté sportif, en amont, les Ravens restent sur trois revers consécutifs face à leur ancêtre. Une série close à huit, conférant au quarterback Peyton MANNING et ses hommes le statut de bête noire officielle. En effet, seule sa grosse blessure en 2011 permet de les vaincre à nouveau la même année, dix ans après. Toutefois, samedi 13 janvier 2007, cela n’est pas encore écrit. Les enjeux sont élevés comme jamais puisque les deux écuries s’affrontent pour la première fois à ce stade de la compétition. Une chance en or se présente. Les Colts ne sont plus les bienvenus à Baltimore. Le cœur de la ville bat pour d’autres désormais. L’heure est venue de laver l’affront, d’exorciser plusieurs décennies d’amertume. Ce Divisional fait office de revanche, de vengeance. La franchise déserteuse va expier sa faute, le jour du jugement a sonné.

Outre les traditionnels tournants inhérents à n’importe quelle rencontre, cette levée se veut particulièrement riche en situations défiant l’entendement. Flash-back.

Q1, 6:51, 2nd&2, BAL 24, ballon Colts, 3-0 Colts. Le linebacker extérieur / defensive end Terrell SUGGS plaque le running back Joseph ADDAI et sort le ballon de son emprise. Le fumble tombe au milieu de trois maillots violets. Adalius THOMAS se baisse pour le ramasser, car l’horizon est dégagé devant lui. Simultanément, Ray LEWIS se jette sur le cuir, et l’enlève malencontreusement des mains de son partenaire. Le rebond file jusqu'au tight end Ben UTECH, unique Colt des environs, qui ne se fait pas prier pour le recouvrir.
> La défense peut rendre la balle à son attaque sans dommages. À la place, elle concède un coup de pied deux jeux plus tard. 6-0.

Q1, 2:49, 1st&10, IND 20, ballon Colts, 6-0 Colts. Peyton MANNING cible son tight end Dallas CLARK profond plein axe. Une passe mal ajustée et trop longue. Le free safety Ed REED, toujours opportuniste, surgit. Il plonge, déploie ses bras, s’étend de tout son long. Vainement, car trop court d’un pas. Le ballon ricoche sur la pelouse à quelques centimètres de ses gants. InterceptionInterception
passe du QBQuarterback
c'est le stratège de l'équipe. Il décide des tactiques avec ses coachs. Il est chargé de transmettre la balle à ses coureurs et de distiller les passes à ses receveurs.
rattrapée par un défenseur (un adversaire).
manquée, passe incomplète.
> La défense peut rendre la balle à son attaque sur les 46 des Colts. Un terrain court garant d’une belle occasion de ramener des points. À la place, les Colts puntent deux jeux plus tard. Statu quo.

Q2, 9:21, 3rd&goal, IND 4, ballon Ravens, 6-3 Colts. Steve McNAIR vise son tight end Todd HEAP cerné par deux défenseurs, plein axe dans le trafic. La fenêtre existe, néanmoins le quarterback esquisse une légère hésitation avant de lancer. Un temps précieux qu’exploite le free safety Antoine BETHEA pour couper la trajectoire et intercepter sur ses 1 yard. S’ensuit une énorme collision avec son équipier Cato JUNE, linebacker extérieur, qui s’écroule presque inconscient. Dans un soir où tout sourit aux Colts, BETHEA parvient quand même à conserver le ballon.
Q2, 8:44, 2nd&9, IND 2, ballon Colts, 6-3 Colts. Deux jeux plus tard. Adossés à leur en-but, les Colts courent pour 2 yards. À l’opposée, Trevor PRYCE reste au sol et doit sortir temporairement.
Q2, 8:15, 3rd&7, IND 4, ballon Colts, 6-3 Colts. Jeu suivant. Son remplaçant, le linebacker extérieur / defensive end Jarret JOHNSON, pénètre prématurément dans la zone neutre et sanctionne les siens de 5 yards. D’une troisième-et-long, les Colts passent à une troisième-et-court qu’ils convertissent, maintenant leur drive en vie.
Q2, 6:16, 1st&10, IND 27, ballon Colts, 6-3 Colts. Trois jeux plus tard. MANNING cherche son receveur Marvin HARRISON court au milieu. Ray LEWIS défend la passe en la déviant, au prix d’un plongeon spectaculaire. Une intervention remarquable… si juste derrière lui, le cornerback Chris McALISTER n’avait pas anticipé le tracé, n’attendait pas de recevoir l’offrande avec l’espace grand ouvert et des bloqueurs devant lui, susceptibles de transformer l’action en pick-six. Pour la deuxième fois, LEWIS prive involontairement un partenaire d’un turnover qui, au pire donne une position ultra favorable à son attaque, au mieux rapporte directement sept points. Le ballon frappe le torse de McALISTER puis tombe. Passe incomplète. Les Colts poursuivent leur drive.
Q2, 3:15, 4th&5, BAL 34, ballon Colts, 6-3 Colts. Sept jeux plus tard. Le kicker Adam VINATIERI tente un coup de pied de 51 yards. Il reste sur 6 échecs lors de ses 7 récents essais à 50 yards ou plus. Il s’élance, frappe ; le ballon semble court, perd de l’altitude, heurte la barre transversale et retombe… du bon côté pour les Colts, de manière inexplicable, malgré un effet inverse.
> D’un potentiel +4 (10-6), les Ravens chutent à -6 (9-3). Cette succession d’évènements rocambolesques provoque donc une amplitude de 10 points. La bascule s’opère en faveur des Colts dans le rapport de force : petite avancée comptable, gros ascendant moral. 9-3.

Q3, 6:22, 2nd&11, IND 49, ballon Colts, 12-3 Colts. MANNING trouve HARRISON court sur l’extérieur gauche. Le nickelback Corey IVY plaque le receveur et provoque un fumble. Tout proche, le cornerback Samari ROLLE se jette, mais le rebond entraîne le ballon hors des limites trop rapidement. Comble de l’ironie, le fumble fait gagner 2 yards bonus aux Colts, qui continuent leur drive.
Q3, 5:57, 3rd&4, BAL 44, ballon Colts, 12-3 Colts. Jeu suivant. Sous pression suite à un blitz du strong safety Gerome SAPP, MANNING tente une passe risquée dans le trafic, courte au milieu pour son receveur Reggie WAYNE. À nouveau, LEWIS se détend et prévient la complétion. Nouvelle intervention brillante de la part du linebacker. Au détail près que pour la troisième fois, il empêche un coéquipier mieux positionné, en l’occurrence REED dans son dos, de s’emparer du ballon facilement. Comme les deux fois précédentes, personne à proximité pour gêner un retour fructueux. Étant donné la localisation des attaquants, nul doute que l’action se serait soldée par sept points. Passe incomplète, les Colts puntent.
> La défense peut rendre la balle à son attaque sur ses 43. Puis, de -9 (12-3), elle peut virtuellement revenir à -2 (12-10). À la place, entre trois et sept points abandonnés. Statu quo.

Q4, 15:00, 2nd&15, IND 36, ballon Ravens, 12-3 Colts. McNAIR complète une passe de 5 yards vers son tight end Daniel WILCOX. S’annonce une troisième-et-long compliquée. C’est alors que les arbitres, avec à leur tête le fameux Bill LEAVY (tristement célèbre du côté de Seattle), s’en mêlent. Ils pénalisent le tackle offensif Jonathan OGDEN d’un holding scandaleux sur le defensive end Dwight FREENEY.
Q4, 14:32, 2nd&25, IND 46, ballon Ravens, 12-3 Colts. Jeu suivant. McNAIR complète une passe courte au milieu pour 7 yards, en direction de son receveur Derrick MASON. Le free safety Marlin JACKSON, le linebacker Tyjuan HAGLER et Cato JUNE l’aggripent et le repoussent. Les arbitres sifflent rapidement pour arrêter l’action et protéger l’attaquant. Au lieu de spontanément lâcher prise, les trois défenseurs retiennent puis projettent MASON, quelques instants plus tard et plusieurs yards plus loin. Curieusement, les arbitres ne sanctionnent pas une brutalité excessive équivalant à 15 yards et première tentative automatique. D’une 1st&10 sur les 24 des Colts, les Ravens passent à une 3rd&18 sur les 39, après laquelle le drive s’arrête.
> En position idéale de capitaliser, les Ravens se contentent de convertir un coup de pied compliqué à 51 yards. Quatre nouveaux points potentiellement laissés en chemin. 12-6.

Q4, 12:13, 3rd&17, IND 12, ballon Colts, 12-6 Colts. MANNING cible HARRISON profond sur l’extérieur droit. La passe est mal dosée. Dans un numéro d’équilibriste le long de la ligne de touche, REED intercepte et passe en retrait à McALISTER. Les arbitres, toujours aussi peu inspirés, valident le changement de possession mais avortent l’action, considérant le safety hors des limites pendant la transmission. À tort. D’une part, ils privent les Ravens d’un retour qui inverse la position sur le terrain de plusieurs dizaines de yards, voire débouche sur un score. D’autre part, ils déposent le ballon sur les 39 des Ravens au lieu des 47, leur soustrayant 8 yards.
> Dans la continuité, six jeux plus tard, essayant de regagner la distance dont on les a injustement floués, les Ravens se font intercepter. Trois ou sept points qui s’envolent en fumée. Encore. Statu quo.

Q4, 3:57, 3rd&5, BAL 45, ballon Colts, 12-6 Colts. Malgré toutes ces péripéties, les Ravens ne sont qu’à un touchdown de prendre l’avantage. La fin approche. La défense a désespérément besoin d’un stop afin de redonner la balle à son attaque, pour un drive de quatre minutes. MANNING effectue sa traditionnelle chorégraphie pré-snap. D’abord derrière son centre, il se met en shotgun. Plus que deux secondes pour engager. Il envoie le signal, reçoit le snap, recule de trois pas, regarde à sa droite, arme son bras, passe 14 yards plus loin à CLARK couvert parfaitement par IVY. Les deux joueurs se déploient pour atteindre le ballon, finissent au sol au contact. Le tight end roule, finit sur le dos et lève la main. Au bout de ses doigts, le cuir. A-t-il touché l’herbe ? Comment se fait-il que IVY ne l’ait pas dévié ? Les arbitres jugent la passe complétée, 1st&10 sur les 31 des Ravens. Incertains de la validité de l’action, les Colts rejouent rapidement. Le stade, médusé, assiste au ralenti en vue de derrière. Le nickelback effleure le ballon du bout des gants. Suffisamment pour le sortir du chemin des mains de CLARK, pas suffisamment pour le rendre inattrapable. Il rebondit sur l’avant-bras gauche du tight end, puis sur sa cuisse gauche, puis sur son avant-bras droit. Dans un mouvement désespéré, CLARK l’arrête entre son avant-bras gauche et sa cuisse gauche. En roulant, il parvient à le bloquer définitivement en ajoutant sa main droite en dessous, tout en résistant au contact du synthétique et d’IVY qui lui choit partiellement dessus. Coup de grâce ! Les Colts peuvent désormais transformer la rencontre en match à deux possessions. Ils poursuivent un drive chronophage, débuté à 7:39 et qui consume l’horloge à hauteur de 7 minutes et 13 secondes.
Q4, 0:27, 4th&7, BAL 18, ballon Colts, 12-6 Colts. Huit jeux plus tard. Les Colts s’apprêtent à achever leur hôte avec un coup de pied de 35 yards. Autant dire une formalité pour VINATIERI, auteur de l’intégralité des points de ses couleurs. Il faut un miracle pour que les Ravens s’en sortent. Deux possibilités : bloquer la tentative et la retourner pour touchdown, ou espérer un raté et chercher un touchdown de 75 yards en attaque en moins de vingt secondes et sans temps mort. Un mauvais snap oblige le holder Hunter SMITH à se contorsionner pour le récupérer et éviter la catastrophe. Les contreurs accourent. VINATIERI s’élance et botte. REED et PRYCE sont à quelques centimètres de toucher un ballon qui s’élève dans les airs… Qui paraît trop se désaxer… Qui se rapproche du montant gauche… Et qui… Subsiste-t-il un doute quant au résultat ?
> Dans une partie au couteau où chaque détail devient crucial, où les Ravens ont maintes opportunités d’inverser leur destinée, les Colts se montrent en réussite aux moments primordiaux. Au cours de cette série capitale, la défense plie sur sa force ancestrale, se faisant courir dessus 11 fois (sur 12 jeux) pour 29 yards et 5 de pénalité, dont deux 3rd downs (&2 et &4) convertis. Intraitable en troisième tentative jusque-là, elle autorise trois conversions à la suite. Les Colts ajoutent trois derniers points. Comme un symbole, sur l’avant-dernier jeu, Robert MATHIS provoque un fumble de McNAIR. Le ballon rebondit sur le gazon au milieu de quatre Ravens, et revient directement dans les mains du defensive end. 15-6, score final.

Ce soir-là, il ne pouvait rien arriver à ces Colts. Comme si les Ravens avaient joué en infériorité numérique. À 10 contre 12 : Ray LEWIS devenant l’atout caché des Colts. À 11 contre 12 : la réussite en matière d’exécution penchant sensiblement d’un côté. À 11 contre 12 : l’effet papillon se révélant un adversaire intraitable. À 11 contre 18 : les arbitres s’impliquant de manière inappropriée. À 11 contre 12 : le sort ayant simplement choisit son camp. Il fallait au moins ça pour éliminer cette troupe défensive d’élite.

 

UN MAL POUR UN BIEN

Suite à cette déconvenue, les Ravens tombent dans le négatif à domicile en post-saison, avec un bilan de 1-2. Pour la seconde fois de suite et la dernière en date, ils connaissent un « one & done ». La plaie peine à guérir, d’autant qu’à l’issue des joutes hivernales, les Colts soulèvent un trophée LOMBARDI qui semblait promis aux Ravens. À ce moment-là, ils n'ont plus gagné de match de playoffs à partir des Wild Cards 2001. Il faut attendre l’exercice 2008 pour que la franchise goûte à nouveau aux joies des dénouements positifs en janvier. Une déroute non sans répercussions donc, qui laisse des traces pour le pire et pour le meilleur.

Pour le pire : les Ravens enchaînent en 2007 sur leur plus mauvaise saison régulière après leur année inaugurale de 1996, avec le sinistre bilan de 5-11. À noter malgré tout qu’ils font chanceler les invaincus Patriots dans un Monday Night fabuleux en semaine 13, laissé échappé dans les ultimes secondes suite à un improbable concours de circonstances sportives et arbitrales. Moins reluisant, ils sont le « 1 » de Dolphins qui terminent à 1-15.

Pour le meilleur : 2007 constitue la dernière saison négative. Elle marque un tournant car s'amorce à l’orée de 2008 une reconstruction offensive. Ce processus sonne le glas de l’ère Brian BILLICK, entraîneur emblématique pendant neuf ans. John HARBAUGH obtient la place vacante. La draft de Joe FLACCO apporte enfin stabilité, efficacité et régularité au poste de quarterback et de ce côté du ballon. Grâce à une défense toujours aussi admirable et un développement de l'attaque, la franchise entame un cycle formidable de cinq ans, conclu par le tant convoité deuxième titre. Principaux faits notables durant cette période :

  • 56-24 en saison régulière, soit 67.5 % de victoires, pour 5 saisons positives consécutives et 2 titres de division.
  • 5 apparitions consécutives en playoffs, avec au moins 1 succès à chaque fois et une invincibilité en Wild Card avec un bilan de 4-0.
  • 9-4 en playoffs : 2-0 à domicile, 6-4 à l'extérieur, 1-0 sur terrain neutre.
  • 3 participations au AFC Championship pour 1 titre de conférence.
  • Bête noire en playoffs de LA bête noire de l'AFC : première équipe à éliminer les Patriots de Tom BRADY et Bill BELICHICK à Foxborough. Une prouesse réalisée non pas une mais deux fois en trois confrontations, à chaque fois avec une marge confortable. La seule défaite s’avère plus brutale dans le scénario, notamment la fin, que celle décrite dans cet article.
  • 1 Super Bowl décroché, faisant de la franchise le seul multiple champion invaincu lors du Big Game.
  • 1 trophée de défenseur de l’année, le quatrième, faisant de la franchise la deuxième plus récompensée à égalité avec les Giants, derrière les Steelers.

 

 

Saison à 13-3, défense « double 1 » d’un niveau historique, tête de série numéro 2 en AFC… En vain. 15 first downs, 2.86 yards par course, 50.00 % de complétion, 39.6 d’évaluation, 66 jeux pour 261 yards (3.95 yards par jeu), 8 sur 19 en troisième tentative (42.11 % d’efficacité), 0 sur 2 en zone rouge (2 voyages pour 2 coups de pied), 6 « 3&outs » sur 11 drives, 2 interceptions, 3 fumbles forcés. Le tout pour 15 points, sans accorder le moindre touchdown… En vain. Des chiffres impressionnants pourtant. Surtout lorsqu’ils impactent si sévèrement les normes offensives annuelles de l’opposition, surtout lorsqu’ils perpétuent voire haussent des standards défensifs si élevés. Une production synonyme de victoire tous les jours. Ou presque. Joué dix fois, ce Divisional verrait sans doute Baltimore l’emporter à neuf reprises. Seulement, la réalité du terrain n’admet pas l’empirique, l’hypothétique. La seule vérité est dispensée le jour J à l’instant T. Et samedi 13 janvier 2007, les Colts sont dans le vrai. Mettant un terme abrupte et inattendu à la campagne de la meilleure équipe assemblée sous ce maillot. Plongeant toute une ville dans le désarroi et la tristesse. Brisant le cœur de milliers de parties prenantes, qu’elles soient joueur, entraîneur, dirigeant, propriétaire, employé, proche, fan, sympathisant… Amenant toutes ces personnes à déplorer un joyau à l’éclat terni, à ruminer des regrets éternels.

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 Quand tu gagnes, ne dis rien. Quand tu perds, dis-en encore moins.  – Paul Brown

En VO :  When you win, say nothing. When you lose, say less. 

Citation réelle proposée par Trixi. Suggérer une citation réelle ou fictive pour 10 Bzh !