Handiflag : quand le Flag s’adapte pour tous !Interview de Jean-Philippe Delporte, président des Vikings de Villeneuve d’Ascq

L'équipe de Handiflag du Foyer des Lauriers
L'équipe de Handiflag du Foyer des Lauriers
le 07/02/2014 à 16:20 par François-Noël Martin

Pour la seconde année consécutive, le club des Vikings de Villeneuve d’Ascq anime des séances d’initiation au Flag auprès d’un groupe de personnes atteintes de déficience mentale. Une belle initiative des Nordistes qui n’en sont pas à leur coup d’essai dans le développement du Handiflag, puisqu’ils travaillent depuis plus d’une dizaine d’années pour rendre le Flag encore plus accessible aux handicapés. Jean-Philippe Delporte, président des Vikings et animateur de ces sessions, a accepté de répondre à nos questions.

Bonjour Jean-Philippe. Pourriez-vous nous présenter ce très beau projet ?

Le Handiflag chez les Vikings s’est inscrit dans la continuité de la bonne dynamique du Flag que nous avions réussi à insuffler dans le Nord au début des années 2000. Un de mes amis, hémiplégique, était alors venu me voir en regrettant : "C'est quand même dommage que ce sport ne soit pas ouvert aux personnes handicapées, ça ne devrait pourtant pas être plus compliqué à mettre en place que le Handibasket !" Nous nous sommes alors lancés, en prenant tout d'abord contact avec des associations sportives handisport, qui nous ont dirigés vers des formations CQH (Certificat de Qualification Handisport), l'équivalent du CQP pour le handisport. Une fois diplômés, Karim Fakhroeddine et moi avons travaillé sur l'adaptation du Flag au fauteuil roulant et sur les règles du jeu. Nous avons ensuite pu effectuer une démonstration, qui a aussi servie de test, à l'occasion d'un Bell's Tournament avec des joueurs valides qui ont accepté de se prêter au jeu avec des fauteuils empruntés au foyer Jean Graffeteau de Villeneuve d’Ascq.

Mais nous nous sommes retrouvés face à un problème de taille : le prix de ces fauteuils, qui est assez élevé. Nous avons donc décidé de nous tourner vers les personnes en situation de handicap mental et nous avons pu proposer cette activité au foyer des Lauriers grâce à Karine Ghys, une amie qui y travaille et qui est également à la base du projet.

Cela fait maintenant deux années que nous animons des séances d'1h30 tous les jeudis à un groupe d'une vingtaine d'handicapés, composé majoritairement de trisomiques et d'autistes.

 

Exercice de lancer
Exercice de lancer (Julien Joseph)

Qu'est ce qui vous a donné envie de vous lancer dans cette aventure du Handiflag ?

C'est un projet qui m’a toujours tenu à cœur, et qui a été en plus motivé par le fait que mon fils est handicapé. Et il suffit juste de voir les sourires sur les visages de ces personnes pour comprendre ! Et voir les progrès qu'ils réalisent est source de motivation, ça nous fait chaud au cœur.

 

Quelles sont les adaptations que vous avez apportées dans le contenu des séances ?

Le plus dur a été de gagner la confiance de certains, et surtout qu'ils prennent confiance en eux : toucher le ballon était déjà très compliqué pour eux. Nous y sommes parvenus en leur parlant tranquillement.

Les séances d'entrainement ont été très simplifiées, avec des drills qui devaient être le plus court possible, pour qu’il n'y ait pas trop de répétitions et qu'ils ne s’enferment pas dans une boucle motrice. Il ne faut pas qu'il y ait trop de consignes trop compliquées en même temps. Au début, ils ne faisaient que du deflagage. Puis, nous avons inclus le ballon petit à petit avec des petits jeux comme la "passe à dix". Les exercices plus techniques sont venus par la suite, en leur montrant par exemple la position des mains pour attraper un ballon.

 

Comment les pratiquants vivent l'expérience ?

Ils la vivent carrément bien ! Les retours du Foyer des Lauriers et des participants sont plus que positifs. On peut le voir à leur participation, leur assiduité aux séances, leur envie, leur attention : ils ont une vraie soif d’apprendre.

J.P. Delporte :
J.P. Delporte : "Les pensionnaires du Foyer des Lauriers ont une soif d'apprendre" (Julien Joseph)

Cela fait maintenant deux ans que vous proposez cette activité, quel premier bilan pourriez-vous tirer ?

Que c’est possible ! Au début, on ne savait pas dans quoi on se lançait, surtout que nous avions pris des handicaps lourds. Mais nous avons été assez vite rassurés, de par leur assiduité déjà, qui est plus régulière que celle des licenciés flag en général. C’est un chemin qui est long, mais on tient le bon bout. On n’a pas brulé les étapes, en commençant avec les formations. Au bout de 10 ans d'investissement et de travail, on voit enfin le bout avec une certaine stabilisation.

 

Quels sont les objectifs à court et plus long terme de votre initiative ?

On voudrait aller plus loin. Nous envisageons déjà d'inclure 2 de ces déficients mentaux dans le groupe Flag des Vikings, pour le championnat régional dans un premier temps pour qu’ils puissent prendre leurs marques, et peut-être pour le national plus tard.

Nous aimerions également faire une démonstration de Handiflag en levé de rideau de la prochaine finale Elite. La mairie nous suit sur ce projet et est prête à nous financer le trajet en bus pour nous rendre sur le site. La balle est à présent dans le camp de la fédération. Ce ne sera pas facile pour ces joueurs de se retrouver au milieu du stade avec quelques milliers de paires d'yeux braqués sur eux. Notre rôle sera de les préparer au mieux. Si cela ne se fait pas, ils seront quand même dans les gradins : ils étaient déjà venus voir France - Augustana au Stadium de Villeneuve d'Ascq et ils avaient passé un bon moment. Ils viennent également assister à nos matchs de D3 de temps en temps.

Nous avons aussi l'objectif de créer un championnat régional de Flag Adapté d’ici 2 ou 3 ans, car d'autres initiatives similaires sont en train de voir le jour dans le Nord. Cependant, nos joueurs n'ont pas encore la notion de défaite : le simple fait de jouer est une victoire pour eux. Le plus dur sera donc de leur donner cette notion de compétition, et ainsi leur insuffler l'envie de gagner.

En attendant la mise en place de ce championnat, nous allons organiser des rencontres amicales en fin d’année ou au début de l’année prochaine. Un match contre l’équipe Flag des Vikings est prévu : ce sera d'ailleurs leur grande première !

Des sourires qui en disent long
Des sourires qui en disent long (Julien Joseph)

Qu'est ce que vous avanceriez comme arguments pour encourager les clubs à se lancer dans des initiations de Handiflag ?

Je leur parlerais de partage, et d’une mise en valeur différente de notre discipline. Et puis, ça ne prend pas forcement beaucoup de temps. Ce sont de bons moments à passer avec ce type de public. En revanche, il faut à tout prix que les initiateurs aient le CQH, c'est mieux pour les assurances et la formation est une mine de renseignements et de conseils

 

Vous aviez été les pionniers du Handiflag en fauteuil roulant. Que retenez-vous de cette première expérience ?

Que c'est réalisable ! Les règles sont écrites, il n'y a plus qu'à pratiquer ! Il faut juste avoir le financement pour pouvoir développer la discipline et s'équiper des fauteuils adéquats. Mais si les joueurs en ont déjà un, c'est autre chose ! Le Handiflag se pratique très bien en salle, sur terrain de basket. Nous avions d'ailleurs réalisé quelques initiations auprès d'un club de Handibasket en 2003, mais l'expérience n'était pas allée plus loin.

 

Est-ce que on pourra revoir du Handiflag en fauteuil roulant un jour dans le Nord ?

Peut-être, si nous obtenons le financement. Mais pour le moment, nous nous consacrons au flag adapté aux déficients mentaux. De plus, le handisport nous a fait savoir qu’il n’y avait pas de place pour le Handiflag dans leur fédération qui a déjà du mal à faire le plein de licences dans les disciplines déjà en place. À l’inverse, nous avons été accueillis à bras ouverts par la Fédération Française de Sport Adapté.

 

Quel avenir voyez-vous pour le Handiflag ?

Le Handiflag est en train de se développer dans de nombreux clubs et ligues, notamment dans le Nord, en PACA, en Rhône Alpes, et en Ile de France. Il faudrait vraiment que les choses avancent au niveau de la FFFA, avec notamment la mise en place d'une licence parallèle entre notre fédération et la Fédération Française de Sport Adapté (FFSA). C'est essentiel pour entrer dans les normes et pour pouvoir créer des compétitions. Il faut absolument qu'une convention soit signée entre les deux fédérations. Si rien n’est fait cette année, je ne pense pas que le Handiflag devienne une discipline FFFA. Des contacts ont déjà été pris avec la FFSA dans ce sens.

 

J.P. Delporte :
J.P. Delporte : "Les progrès qu'ont réalisés ces handicapés ces 18 derniers mois sont tout simplement impressionnants" (Julien Joseph)

D'un point de vue personnel, qu'est-ce que cette initiative vous a apporté ?

Même s’il y a de la déception concernant ce qui n’a pas été fait, avec les outils que nous avons pourtant développés et mis en œuvre, il y a surtout un motif de satisfaction du travail effectué. Les progrès qu'ont réalisés ces handicapés ces 18 derniers mois sont tout simplement impressionnants. J’apprends beaucoup avec eux. C'est complètement différent d'entrainer un public « sport adapté » d'un public « valide », il faut réfléchir autrement. Et si aujourd’hui, je voulais changer d’orientation professionnelle et faire éducateur spécialisé, ça ne me poserait pas de problème.

 

Souhaitez-vous ajouter quelque chose pour conclure ?

Oui, je souhaiterais remercier la ville de Villeneuve d’Ascq pour leur aide financière et d’infrastructure, ainsi que le l’Office des Sports pour son soutien de tous les jours. Je voudrais également remercier l’ensemble de nos partenaires parmi lesquels la Fédération Française de Sport Adapté. Enfin, un grand merci aux bénévoles Fabien Samacoits et Rémy Prevost, Julien Joseph pour ses photos et vidéos, au Foyer des Lauriers pour leur confiance et à nos Handi Athlètes pour leur implication et leur joie de vivre !

 

Karine Ghys, Aide médico-psychologique au Foyer des Lauriers et co-initiatrice du projet Handiflag

« Le Handiflag avec les Vikings est une expérience extraordinaire pour nos résidents ! Ces derniers peuvent se dépasser durant ces sessions et y prennent beaucoup de plaisir ! Ils sont très motivés : ils savent que les séances ont lieu le jeudi et préparent leurs affaires de sport dès le mercredi soir ! Ils ne manqueraient cela pour rien au monde et sont déçus lorsqu'ils ne peuvent pas jouer.

Nous proposons de nombreuses activités au Foyer des Lauriers, comme l'Equitation, la Piscine, l'Aviron ou l'Escalade. Le Flag est donc le seul sport collectif qu'ils peuvent pratiquer et c'est une bonne chose car ils sont obligés de travailler ensemble, en ne restant pas centrés sur eux-mêmes de par leur handicap. C'est très bénéfique pour eux, ils comprennent qu'on est plus forts quand on est plusieurs et quand on joue en équipe. Cela les pousse vers le haut ! »

 

Quelques vidéos des séances d'entrainement animées par les Vikings pour le Foyer des Lauriers :

Pour plus d'informations concernant cette initiative, vous pouvez contacter Jean-Philippe Delporte au 06/18/58/51/19

Articles liés
... chargement de la zone de commentaire ...

 Nous ne pouvons pas courir. Nous ne pouvons pas passer. Nous ne pouvons pas stopper la course. Nous ne pouvons pas stopper la passe. Nous ne pouvons pas botter. En dehors de ça, nous ne sommes juste pas une très bonne équipe de football en ce moment.  – Bruce Coslett, ancien joueur des Jets de New York

En VO :  We can't run. We can't pass. We can't stop the run. We can't stop the pass. We can't kick. Other than that, we're just not a very good football team right now. 

Suggérer une citation réelle ou fictive pour 10 Bzh !