Un Français en playoffs NCAA?Interview de Benjamin Wagner
Parmi tous les expats français du foot US un nom est souvent oublié et pourtant quel beau parcours. Benjamin Wagner, kicker en NCAA D3 à Concordia-Moorhead dans le Minnesota. Son équipe (4-0) vient d’ailleurs d’entrer dans le top25 national et commence à faire parler d’elle dans une Conférence très relevée où l’on retrouve des poids lourds de la division comme St John’s (Minn), St Thomas ou Bethel. Benjamin nous raconte tout ça en détails….
- Tu as joué à la fois aux Kangs de Pessac en foot et aux Blue Jays de St Aubin en baseball en France, quels souvenirs en as-tu ? Quel regard portes-tu sur la pratique de ces sports en France ?
- Je garde de très bons souvenirs, j’ai commencé à jouer au baseball après mon retour d’un séjour linguistique a Los Angeles pendant l’été 2008, je suis tombé amoureux du sport en allant voir un match des Dodgers et je reste un fanatique du sport. Mon expérience avec les Blue Jays a été super, découverte d’un nouveau sport et même si l’équipe était formée de beaucoup de débutants, nous avions un bon esprit d’équipe et jouions dans la bonne humeur ! Après mon année de terminale, je suis parti en Oregon en tant qu’étudiant d’échange dans un lycée (Siuslaw High School) à Florence, une petite ville sur la côte. C’est là où j’ai commencé à pratiquer le football américain. Le fait d’être dans l’équipe de football m’a permis de m’intégrer rapidement et de me faire connaitre dans le lycée (environ 500 lycéens). Je suis ensuite revenu en France pour commencer mon cursus universitaire à Bordeaux et c’est à ce moment-là que j’ai arrêté le baseball et continué le football aux Kangourous, mon niveau n’était pas très bon et je ne pouvais choisir qu’entre le football à Pessac ou le baseball à Saint-Aubin par rapport à mon emploi du temps. Quand je reviens pour les vacances en France, je revois principalement les joueurs des Kangs, l’année que j’ai passé avec eux est rempli de bons souvenirs que ce soit sur le terrain ou en dehors !
Je ne suis plus vraiment le baseball en France, mais quand j’étais aux Blue Jays, je trouvais l’organisation du club très bien faite, il y a juste un manque de joueurs et souvent l’absentéisme se fait ressentir une fois que les résultats ne sont plus là et je trouve ça dommage. La même chose est arrivée quand je jouais en junior pour Pessac. Nous étions 2-0 avant de jouer les Ours de Toulouse début décembre et après cette défaite la moitié de l’équipe n’était plus présente pendant l’hiver. Maintenant que mon petit frère joue pour les Kangs et vu que je garde beaucoup de contact avec certains joueurs notamment Baptiste Joly, je peux voir que le club fait de bonnes choses aux alentours de Pessac pour le sport et c’est une voie qui ne peut apporter que de bonnes choses pour la réputation du club et du sport dans la région.
- Tu étais déjà kicker à Pessac ?
- Oui, vu que j’ai joué kicker en Oregon j’ai décidé de continuer de jouer cette position. J’ai aussi joué SafetySafety
Signifie deux choses différentes :
1- c'est le plaquage du porteur du ballon dans sa propre zone d'en-but. Cela rapporte 2 points à l'équipe qui l'effectue et elle récupère la possession du ballon. L'équipe victime du safety va alors dégager depuis ses 20 yards au moyen d'un botté façon puntPunt
action utilisée en 4ème tentative et x yards à parcourir. Plutôt que de tenter les x yards, l'attaque choisit de botter le plus loin possible pour faire reculer son adversaire..
2- c'est un poste en défense. Le safety est en quelque sorte le dernier rempart. Il tient en quelque sorte le rôle d'un libéro en football européen., je m’entrainais avec les DB et WR à Siuslaw High.
- J’ai lu que tu as contacté Concordia-Moorhead complètement au hasard en 2011 ? Comment ça s’est passé ?
- Mon premier contact avec Concordia a été dans le printemps 2011. J’ai eu vent de Concordia après avoir complété un dossier pour recevoir des bourses scolaires auprès de Go Campus-Calvin Thomas. Concordia était une des 9 universités qui me proposaient une bourse. Après avoir longuement discuté et passé de nombreuses heures à rechercher des informations sur les universités avec mes parents nous avons décidé d’en contacter 3 ou 4. Concordia a été la plus rapide à me répondre, on pourrait dire qu’elle a eu les « first dibs » sur moi ! Les contacts avec les différentes personnes que ce soit au staff des admissions ou avec le head coach Terry Horan m’ont plu et c’est une des raisons pourquoi je suis parti là-bas. Sur leur site, j’ai pu « visiter » le campus, un autre avantage que Concordia avait sur les autres universités ! L’anecdote que je raconte toujours est le fait que j’ai pris connaissance de l’organisme Go Campus lors d’une foire universitaire où je faisais la promotion de l’ECE, mon école à ce moment-là (Ecole de Commerce Européenne) à Bordeaux-Lac.
- Vous êtes classés 15ème et 23èmes du pays selon le poll, est ce que l’objectif c’est la conférence et les playoffs désormais ?
- Le titre de conférence et atteindre les playoffs a toujours été notre objectif, surtout cette année après avoir échoué deux années consécutives, en terminant deux fois 2ème avec un record final de 8-2. Nous avons un gros match à Bethel, champion en titre ce weekend pour leur homecoming, match décisif pour le titre de conférence et une place en playoffs.
- Tu es all-MIAC à ton poste, tu t’attendais à atteindre ce niveau en arrivant ici ?
- Honnêtement pas du tout. J’ai failli arrêter le football et reprendre le soccer après ma première année ici, je n’étais pas censé être le kicker titulaire, un freshman devait l’être mais est parti pour aller à St-John’s. L’ironie du sort fait que deux ans après j’ai été élu All-MIAC et c’est lui qui a arrêté le football.
- Vous êtes dans la Conférence de la Légende de D3, St John’s du Minnesota. Est-ce que c’est toujours une équipe à part malgré la retraite de J Gagliardi ?
- J’ai eu la chance de jouer contre St-John’s, un de nos principaux rivaux, la dernière année avant sa retraite. St-John’s, même si nous les avons battu 3 années d’affilée, est toujours une bonne équipe dont il faut se méfier. Ils viennent juste de battre St-Thomas à St-Thomas, une autre grosse équipe dans le MIAC (finaliste en 2012 contre Mount Union). Ils sont capables de battre n’importe qui.
- As-tu des contacts avec d’autres « expats » du foot français ?
- Pas vraiment non, mis à part les « expats » des Kangs. L’année où je suis arrivé dans le Minnesota à Concordia, un autre français de Montpellier, Nicolas Ruelle, était dans l’équipe, mais il n’a pas eu la chance de s’intégrer aussi bien que moi et n’est pas revenu après Noël.
- Vu de France on n’imagine pas toujours ce qu’est la NCAA D3, comment c’est, vu de l’intérieur ?
- La D3 est pour les athlètes qui veulent aussi une bonne éducation je pense. Les universités de D3 sont souvent privées et mieux réputées que certaines de D2 par exemple. Une semaine type pour nous comprend 3 entrainements, le mardi, mercredi et jeudi après les cours, avec musculation deux fois par semaine avec l’équipe. Notre saison régulière dure 11 semaines (10 matchs, 1 bye). Pour les déplacements, on se déplace en bus la veille du match et on est à l’hôtel à l’extérieur de Minneapolis, la plupart des équipes de notre conférence étant dans Minneapolis ou aux alentours. L’ambiance sur le campus est très familiale (environ 2 800 étudiants à Concordia), nous avons la chance d’avoir un bon support de notre ville et fans, l’université finit toujours dans le top 5 niveau spectateurs dans la D3. On sort juste d’un match contre St-Olaf pour notre « Family Weekend » et les tribunes étaient remplies avec des fans tout autour du terrain aussi. Il y a toujours une bonne ambiance lors de matchs à domicile avec l’orchestre de l’université qui joue au rythme du match !
- Vous arrivez à exister dans l’ombre de Dakota State ? (NDLR : Les Champions de 1-AA jouent à Fargo juste à côté de Moorhead).
- C’est dur mais on y arrive ! Le fait d’être dans une ville différente aide un peu. ESPN College Gameday est venu l’année dernière et cette année pour eux. L’année dernière nous avons eu nos 5 minutes de gloire grâce au « Troll Trophy » trophée que le vainqueur du match St-Olaf – Concordia gagne (voir Photo de Carol Taffe). D’après ESPN c’est le trophée le plus hideux de college football !!
- Moorhead fait partie de l’agglomération de Fargo, une des zones les plus dynamiques du pays, comment est l’atmosphère dans la région ?
- L’atmosphère est très jeune et très dynamique comme tu le dis, les deux villes profitent de l’autre niveau économique. Il y a trois universités, North Dakota State University du côté de Fargo et Minnesota State University-Moorhead et nous Concordia College du côté de Moorhead. C’est une ville d’étudiants ce qui est parfait pour nous ! Il y a beaucoup de start-ups qui fleurissent de chaque côté de la frontière, Microsoft a un campus à l’extérieur de la ville aussi.
- Comment as-tu survécu aux hivers polaires de la région ?
- C’est une très bonne question !!! C’est toujours un passage de l’année que les gens redoutent ici ! Le froid renforce le caractère, puis il suffit de bien se couvrir avec 4 ou 5 épaisseurs !!!
- Tu as envisagé de jouer aussi pour l’équipe de baseball de ta fac ?
- J’ai pensé à y jouer mais je me suis souvenu de mon niveau en Oregon (pas très bon) et je ne voulais pas me charger de trop avec les cours et le programme de musculation pour le football hors-saison.
- L’équipe de France de foot US tu y penses ?
- J’y pense oui bien sûr. J’aurais vraiment voulu participer au championnat européen l’été dernier mais un kicker de CFL a été sélectionné (NDLR : Boris Bede n’est pas (encore ?) en CFL mais on lui souhaite !).
- Tu es en dernière année, quels sont tes projets pour la suite ?
- Je finis mes études en Décembre, je compte rester à Moorhead jusqu’à Mai pour la cérémonie de graduation à l’université. Puis après j’aimerais rester jusqu’à Décembre 2015 avec un programme qui me permet de travailler pendant un an aux USA. Ensuite il y a une possibilité que je revienne jouer pour les Kangs pour une saison mais rien n’est sûr de côté-là. Je pense aussi retourner à l’université pour obtenir un MBA dans le futur.
Photo : Sheldon Green