L'histoire du football féminin et ses héroines

Les Toledo Troopers
Les Toledo Troopers
le 12/11/2013 à 10:30 par Thomas Depaepe

Avec l’arrivée de la LFL en France, il me semblait important de remettre en perspective ce qu’et le football américain au féminin car on entend beaucoup d’idées fausses sur cette pratique pourtant ancienne. Dés lors, voici une tentative de retracer l’histoire de cette pratique trop souvent ignorée et marginalisée (bien que l’on en soit déjà à 2 Championnat du Monde de Football féminin).

 

Une longue histoire :

L’histoire du football au féminin parait récente… mais en fait la première fois que des filles ont joué au football dans un stade c’était en 1926. En effet, à l’époque les Frankford Yellow Jackets avaient instauré une pratique féminine et des équipes s’affrontaient à la mi-temps des rencontres de l’équipe locale. Le match n’était pas très long, et visait d’abord à être un « show de mi-temps » mais la pratique existait ici comme dans d’autres clubs et les femmes qui jouaient étaient rémunérés pour le faire. Mais cette pratique « à minima » a vite disparu et il faudra attendre les années soixante pour revoir du football féminin ; il faut dire que les ligues ont mis entre temps pas mal de bâtons dans les casques des femmes désireuses de pratiquer le football contre rémunération (la pratique « loisir » ayant elle continué d’exister).

En 1965, un certain Sid Friedman va lancer une ligue semi-pro 10% féminine : la Women’s Professional Football League. A début de la ligue il n’y a que deux équipes de l’Ohio qui s’engagent (Akron et Cleveland) mais très vite la WPFL passe à 8 équipes lorsque Bowling Green, Buffalo, Cincinnati, Dayton, Pittsburg et Toledo engagent des équipes. Comme les femmes n’ont pas la possibilité de jouer au Football en Université, les équipes engagent des basketteuses, des rugbywomen et des joueuses de foot (soccer) pour composer les équipes. Après quelques années cette ligue va péricliter et il faudra attendre 1999 pour qu’elle renaisse de ses cendres avec un match inaugural entre Lake Michigan Minx et les Minnesota Vixens : le match sera disputé au Metrodome de Minneapolis là ou jouaient les Vikings et se sera un tel succès que 6 matchs vont être organisé par la WPFL avant de créer une ligue de 11 équipes dont certaines vont tisser des liens avec des équipes NFL (les New England Storm auront ainsi un partenariat avec les Patriots). Mais cette renaissance ne durera que quelques années.

Patricia Palinkas
Patricia Palinkas (Baltimore Sun)
Mais revenons à l’histoire et plus précisément à 1970 ou l’équipe semi-professionnelle des Orlando Panthers va écrire l’histoire en faisant participer une femme Patricia Palinkas à un match « mixte » : Palinkas est donc la première femme de toute l’histoire a avoir joué au milieu des hommes ; elle était « holder » sur les coups de pieds joués par son mari lui aussi membre des Panthers.

4 ans plus tards, la National Women Football League (NWFL) né et deviendra très vite une ligue très populaire ; à l’origine de la NWFL, on compte 7 équipes réparties dans tous les USA et situés dans des villes de taille importante telles que Dallas (les Bluebonnets), Los Angeles (les Dandelions) , Detroit (les Demons) ou Colombus (les Peacesetters). Pour mesurer le succès médiatique et publique de cette ligue 100% féminine et semi-pro, il suffit de penser qu’en 1975 l’athlète féminine de l’année aux USA est la coureuse Linda Jefferson des  Toledo Troopers qui va courir plus de 1.000 yards sur 5 saisons consécutives ce qui est une performance d’autant plus impressionnante que la NWFL ne compte que 8 matchs par ans (au final Jefferson signera 14 yards par portée sur sa meilleure année).

En 1976, la ligue compte déjà 3 divisions et 14 équipes et son succès et si grand que les équipes évoluent souvent dans des stades majeurs. Mais une histoire d’argent et le départ de quelques équipes dans une ligue concurrente (la Western States Women Professionnal football Ligue) va mettre en danger financier la NWFL et au début des années 80 toutes les équipes sont moribondes. La ligue va continuer d’exister jusqu’en 1998 mais les équipes n’arrivent plus a payer régulièrement les joueuses et des forfaits vont régulièrement avoir lieu ce qui achève à la fin des années 90 cette ligue.

Aujourd’hui il existe 3 ligues semi-pro (mais sans commune mesure avec les moyens de la LFL) aux Etats-Unis qui sont réservées aux femmes : l’Independent Women's Football League (IWFL), la Women's Football Alliance (WFA) et la Women's Spring Football League (WSFL).

La IWFL regroupe 28 équipes (dans 3 divisions) aux USA et au Canada et joue selon les règles NCAA depuis 2001. Les champions en titre sont les Carolina Phoenix pour la première division.

La WFA est de loin la plus connue avec ses 62 équipes (aux USA, Canada et Mexique) et ses 2.000 joueuses semi-pro (la ligue est semi-pro en terme d'organisation et par le fait que les joueuses touchent toutes un salaire mais ce dernier est souvent plus symbolique qu'un moyen de subsistance) malgré le fait qu’elle n’ait que 4 ans d’existence. En 2012, la WFA à lancer une sorte de Pro-Bowl  avec la création d’un match « All American » qui est disputé en ouverture de la grande finale.

Quand à la WSFL, c’est la plus récente des 3 ligues et comme son nom l’indique elle se joue l’été (soit à l’opposé de toutes les autres saisons) et regroupe aujourd’hui 14 équipes semi-pro (il devrait y en avoir 19 à l’été prochain).

On mesure donc que le football féminin est bien implanté aux USA, même si l’histoire a été assez chaotique et que les 3 ligues semi-pro actuelles sont récentes et encore loin d’avoir atteint la masse critique de la NFL ou de ligues masculines comme l’Arena.

 

Le monde s’engage dans le football au féminin.

Et l’Europe dans tout cela ? Et bien en 1986, la fédération allemande va créer le championnat féminin de football américain et le premier match opposera les Berlin Adler aux Hannovre Ambassadors associés avec les Cologne Crocodiles. Les aigles de Berlin vont se faire battre à plat de couture 56-20, mais la ligue féminine allemande est lancée et elle existe toujours avec chaque année le Ladies Bowl pour l’équipe championne. Pour mémoire, la GFL au féminin regroupe aujourd’hui 10 équipes au niveau le plus haut. 3 ans plus tard (1999), un premier regroupement de joueuses Allemandes (une sorte d'embryon d'Equipe nationale) jouera le premier match "international" européen face à une selection britannique.

Du côté du Canada, deux ligues semi-pro existent : la Maritime Women's Football League qui joue avec les régles américaines (mais ne compte que 4 équipes anglophones) et la plus large Western Women's Canadian Football League qui elle joue avec les régles CFL depuis 2011.

Les USA championne du monde 2013
Les USA championne du monde 2013

Et en 2010, l’IFAF a mis sur pied en Suéde le Championnat du Monde Féminin ; les USA l’ont emporté aisément 66-0 face au Canada, mais cela a ouvert la porte à une pratique féminine dense dans de nombreux pays du globe. A la question que je lui posais, il y a une dizaine de jours, de l’importance de l’existence du Football féminin, Tommy Wiking (président de l’IFAF) m’a répondu d’une manière désarmante : « La question n’est pas la bonne, la bonne question c’est pourquoi devraient t’on exclure la moitié de la population mondiale de la pratique du football ? ».

 

Des joueuses et des hommes

S’il existe des ligues féminines, rares sont les femmes qui ont évolué au milieu des hommes comme l’a fait Patricia Palinkas en 1970. En effet bien que ce soit autorisé, les équipes universitaires et professionnelles sont frileuses à intégrer des femmes. Malgré tout il y a déjà eu plusieurs femmes qui ont évolué au sein d’universités mais toutes l’ont fait en tant que spécialiste et le plus souvent en tant que Placekicker. Mais en 1997, Liz Heaston a fait l’histoire en devenant la première femme a inscrire des points dans un match universitaire officiel (mais pas en NAIA) : en effet elle a passé 2 transformations pour l’université de Willamette lors d’un match remporté 27-0 face à Linfield Collège. Son maillot est aujourd’hui visible au collège Hall of Fame.

En 2001, c’est Ashley Martin qui a à son tour marqué l’histoire en marquant pour la première fois dans un match NCAA alors qu’elle était kickeur des Jacksonville state Gamecocks. Avant d’arriver à l’université Ashley Martin était déjà kickeur dans son lycée, mais c’est pour le soccer qu’elle a té recrutée par Jacksonville State University… mais en tant que kickeur backup de l’équipe de football elle a eu sa chance et l’a saisi dans un match à sens unique face à Cumberland State (victoire 72-10=.

Katie Hnida
Katie Hnida (Steve Grayson/WireImage.com)
En 2003, c’’est Katie Hnida qui a fait l’histoire en devenant la première femme a marquer des points dans un match de NCAA Div-I (le plus haut niveau universitaire) alors qu’elle évoluait sous les couleurs des Lobos du Nouveau Mexique (l’équipe ou était Brian Urlacher). Après avoir passé des points contre Texas State, elle disputera même le Las Vegas Bowl face à UCLA mais son coup de pied sera contré par les californiens. Après son diplôme en 2004, Katie Hnida deviendra joueuse de football professionnel pour les Fort Wayne FireHawks qui évoluent en Indoor football. Mais si elle a marqué l’histoire du côté du Nouveau Mexique, elle aura précédemment été victime d’un viol de la part d’un de ses partenaires d’équipe alors qu’elle était à la fac du Colorado (faculté qu’elle a quitté après son viol et le fait que son entraineur n’a rien fait à part lui dire à propos de son agresseur « il est du Texas. Tu devais t’y attendre »).

Hnida, Palinkas et Julie Harshbarger (qui a joué en Indoor) sont les 3 seules femmes a avoir jamais été payé pour jouer au football au milieu des hommes aux USA. Mais il faut aussi signaler Lauren Silberman qui aura été la premiére femme a tenter un combine régional pour intégrer la NFL : son combine aura été assez mauvais, mais elle a clairement marqué l’histoire en se présentant à la draft.

Au niveau des lycées plusieurs filles ont marqué l’histoire comme Tami Maida (la première QBQuarterback
c'est le stratège de l'équipe. Il décide des tactiques avec ses coachs. Il est chargé de transmettre la balle à ses coureurs et de distiller les passes à ses receveurs.
féminine de l’histoire (mais jouera en 1981 deux matchs complets et aura un TD refusé), Jessica Schultz qui a été la première femme a marquer un touchdownTouchdown (TD)
c'est l'essai qui vaut 6 points et qui peut être transformé au choix à 1 ou 2 points. Il suffit que le ballon pénètre dans la endzone. (pas besoin d'aplatir)
au niveau high school (elle est devenu plus tard une athlète de Curling), ou encore Holley Mangold qui a joué en ligne offensive durant toutes ses années de lycée avant de se reconvertir en tant qu’haltérophile (elle a été sélectionnée pour les jeux de Londres au grand plaisir de son frêre Nick Mangold qui joue en NFL chez les Jets).

 

J’espère que cet article (un peu long, mais cela me paraissait important) aura permis de lever beaucoup d’apriori (du style « le football féminin cela n’existe pas aux USA », « il n’y a jamais eu de fille qui a joué à un haut niveau » ou même « le football féminin c’est récent ») sur la pratique féminine au niveau organisé et semi-pro.

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 Personne dans le football ne devrait être appelé un génie. Un génie est un type comme Norman Einstein.  – Joe Theisman, ancien QB des Washington Redskins

En VO :  Nobody in football should be called a genius. A genius is a guy like Norman Einstein. 

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