Marion Stabile : "Au début ils m’ont un peu prise pour une folleInitiatrice et joueuse de la section féminine des Centaures

Marion Stabile à l'entrainement
Marion Stabile à l'entrainement
le 09/05/2013 à 23:23 par Thomas Depaepe

A quelques jours de la rencontre Centaures-Sparkles du côté de Grenoble, et après avoir interviewé il y a quelques jours l'iniatrice du club des Sparkles, Sarah Charbonneau (article en lien en bas), nous passons de l'autre côté de la ligne d'avantage en vous proposant un échange avec l'instigatrice de la "section féminine" des Centaures : Marion Stabile. La joueuse des Centaures revient pour nous sur sa découverte du foot US, la création du club et sur l'avenir des Centaures au féminin.

 

Comment avez-vous découvert le football américain ?

J’avais des amis qui jouaient dans l’équipe masculine senior aux Centaures et qui m’avaient proposé de venir les voir jouer. J’y suis allée deux trois fois pour les encourager sans vraiment réfléchir sur la possibilité de jouer ou non, je ne me suis même pas du tout posé la question au début. Puis l’année dernière lors du match de coupe d’Europe que nos seniors ont joué à Lesdiguières, j’ai eu une révélation et j’ai voulu jouer. Je cherchais justement un nouveau sport à faire puisque je m’étais arrêtée quelques années plus tôt pour mes études, et je me suis dis pourquoi pas le football américain. Il y avait l’air d’avoir une bonne ambiance dans l’équipe et les joueurs avaient l’air de s’éclater sur le terrain, donc ça m’a poussée à m’inscrire. A partir de ce moment, j’ai directement écrit au club pour savoir si je pouvais venir faire un entrainement de découverte, et deux semaines après j’étais sur le terrain.

Marion Stabile
Marion Stabile (Centaures de Grenoble)

Comment votre décision de jouer a été accueillie par votre entourage ?

Au début ils m’ont un peu prise pour une folle. Surtout le fait de m’entrainer avec des garçons, dans un sport où il n’y avait aucune fille, ma famille trouvait ça trop violent. J’ai eu quelques petites moqueries de la part de mes amis (hors foot) mais rien de bien méchant. Les amis que j’avais dans le  milieu du foot US eux m’ont soutenue et encouragée à jouer.

 

Pourquoi ne pas avoir choisi de pratiquer le Flag ?

J’avais pensé au début faire du flag, car je ne pensais pas qu’un club m’accepterait en « équipé », mais quand j’ai pris contact avec le club des Centaures, ils m’ont dit qu’ils ne faisaient pas de flag mais que, à ma grande surprise, ils m’accepteraient avec plaisir en équipé, et ce même s'il n’y avait aucune autre fille dans l’équipe. Depuis, j’ai fait quelques tournois de flag mais c’est un sport très différent : le fait de ne pas avoir de ligne, de ne pas avoir de block… tout ça fait que, pour moi, le jeu est un peu moins riche au niveau tactique et surtout le foot us a un côté contact qui m’intéresse beaucoup.

 

Vous vous entrainez avec les Juniors, avez-vous trouvé votre place facilement ?

C’est vrai que lors de mon premier entrainement, je ne connaissais aucun Junior, donc j’avais une appréhension quant à savoir comment ils allaient vivre l’arrivée d’une fille dans leur groupe. Lors de mon premier passage à l’entrainement, le coach a dit « voici Marion, elle jouera peut être avec nous l’an prochain » et j’ai vu leurs yeux s’écarquiller ; je pense qu’ils ont été très surpris, mais au final cela n’aurait pas pu mieux se passer car je me sentais très bien au sein de cette équipe. Le fait d’être avec des garçons ayant un niveau très supérieur au mien me poussait à me donner à fond pour ne pas être « un boulet » pour eux. Ils m’ont très vite acceptée et m’ont donné beaucoup de conseils pour que je puisse progresser plus vite. Au final, c’était une très bonne expérience.

 

Le fait de ne pouvoir jouer en match officiel a du être difficile à vivre ?

Oui, j’ai su assez tard que je ne pourrais pas du tout jouer en Junior, et donc vu que je m’étais entrainée plusieurs mois avec eux j’ai été très déçue. J’ai même pensé écrire à la fédération, ou faire d’autres démarches car il n’y avait pas de structures me permettant de jouer au foot us dans ma région, ce que je trouvais injuste. Mais quelques semaines après, deux filles qui étaient déjà dans le club en tant que supportrices (Cyrielle Meyer et Clémence Bernard) m’ont dit que me voir m’entrainer leur avait donné envie d’essayer : c’était le début de l’aventure de l’équipe féminine.

 

Qu’avez-vous appris dans ces entrainements avec les Juniors ? et comment s’est passée la transition avec l’équipe féminine ?

J’ai plutôt été contente de mon parcours avec les Juniors car j’ai commencé par une préparation physique et un apprentissage des bases avec eux. Comme ça faisait 3 ans que je ne faisais plus aucun sport, cela m’a permis de me remettre en forme pour pouvoir attaquer la saison dans de bonnes conditions. Quant aux débuts avec les filles, ils ont été très intéressants car nous avions toutes tout à apprendre et nous n’étions clairement pas prêtes pour un match. C’est vrai qu’après quelque mois d’entrainement sans aucune perspective de match, on commence à se démotiver, donc on avait vraiment envie de rentrer enfin dans le feu de l’action, d’avoir un but ; cela a été chose faite avec l’annonce de notre futur match contre les Sparkles. Ca a reboosté tout le monde.

Marion Stabile au milieu des juniors
Marion Stabile au milieu des juniors (Anais Feuillet)

Tu évolues au poste de DB/WR, est-ce que tu penses qu’il y a des postes plus adaptés pour une fille au début ? Ou toutes les morphologies sont les bienvenues ?

Lorsque l’on joue avec des garçons, c’est sur que les postes de WR, DB, voir QBQuarterback
c'est le stratège de l'équipe. Il décide des tactiques avec ses coachs. Il est chargé de transmettre la balle à ses coureurs et de distiller les passes à ses receveurs.
sont plus adaptés, car physiquement, être en ligne ou en LBLinebacker (LB)
joueur de la défense polyvalent qui constitue le 2ème rideau défensive.
face à des garçons est, je pense, très difficile. Par contre, dans une équipe 100% féminine, il y a de la place absolument pour tout le monde. Nous avons des filles de tout gabarit, de toutes conditions physiques. Chacune a pu trouvé un poste qui correspondait à ses aptitudes et à ses faiblesses : c’est cela qui fait la richesse de notre sport. J’en profite d’ailleurs pour lancer un appel à toute les filles qui cherchent un nouveau sport, même si vous n’avez pas mis de baskets depuis la fin de vos cours d’EPS au collège, venez nous rejoindre, il y en a pour tout le monde !

 

Qu’est-ce qui est le plus dur à intégrer quand on débute dans le foot US ?

Je pense que ce qui est le plus compliqué, c’est de comprendre les règles et le jeu dans son ensemble. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas qu' un sport de bourrin, il y a énormément de tactique et de stratégie, particulièrement en attaque. C’est un vrai sport d’équipe où chacune a une mission précise et où chaque geste à son importance. Ensuite, il faut aussi un petit temps d’adaptation pour surmonter la peur du contact, car rentrer à pleine vitesse dans quelqu’un n’est pas forcément un truc très naturel, on a peur de se faire mal… mais c’est une fois toutes ses appréhensions sont passées que l’on prend vraiment du plaisir.

 

De quelle manière le club des Centaures t’a appuyée pour la mise en place de cette équipe ?

Je faisais déjà partie des Centaures quand le projet à été lancé. Nous avons alors commencé à faire des « entrainements découvertes » durant tout l’été en n'oubliant pas d’en parler autour de nous, à nos amis, à notre famille, afin de voir si cette offre pouvait intéresser d’autres filles. Durant cette période de nombreux joueurs de l’équipe masculine Sénior sont venus nous coacher. En septembre, nous avons finalement soumis un dossier au club pour demander l’ouverture officielle de notre section et maintenant nous sommes une section à part entière du club, même si nous partageons notre créneau d’entrainement avec les cadets et juniors. Depuis, nous avons eu la chance d’avoir un membre de l’équipe sénior, Manu André, qui a voulu porter le projet et devenir notre Head Coach. Tout cela en plus du fait que les filles ont également pu bénéficier pour la plupart de la location d’équipements par le club, et de quelques ballons en plus ; c’est tout ce qu’il nous fallait pour bien débuter !

 

Quelles ont été les principales difficultés que tu as rencontrées dans la création de l’équipe ?

Je pense qu’on a eu au début un peu de mal à s’imposer notamment au niveau du partage du terrain, car nous étions 3 sections sur le même créneau, et donc nous avons du démontrer notre motivation pour gagner en crédibilité mais c’est quelque chose qui est maintenant totalement accepté. Ensuite, au niveau du recrutement des filles, le principal frein, une fois que les filles viennent essayer, est plutôt financier car les équipements, notamment un bon casque, coûtent cher. La plupart des filles qui veulent juste découvrir le sport en loisir ne sont pas forcément prêtes à mettre autant d’argent, il faudrait réfléchir là-dessus pour les années à venir afin de développer les offres de location par exemple, car on a eu plusieurs abandons à cause de ce point, et je trouve ça vraiment dommage.

 

L’engouement a été rapide ou tu as eu des difficultés à fédérer des joueuses ?

Le recrutement s’est déroulé par vagues successives : nous avons eu une dizaine de filles au début de l’année, puis une période de plusieurs mois ou on a eu du mal à recruter de nouvelles joueuses et ce malgré plusieurs initiatives (flyer en ville, stand au forum des sport de Grenoble). Le froid et la neige y sont surement pour quelque chose. Et puis nous avons eu une deuxième vague d’arrivée massive après Noël et ce grâce au bouche à oreille qui a bien fonctionné. Au final, nous sommes 17 joueuses licenciées aux Centaures, et pour le match deux filles venant des Avalanches de Chambéry vont nous rejoindre.

 

Quelle différence d’ambiance y a-t-il entre les Juniors que tu connais et l’équipe féminine ?
Je trouve qu’il y a plus de solidarité chez les garçons. Le niveau étant plus haut et les enjeux plus importants, l’ambiance aux entrainements est aussi plus intense et plus sérieuse. Chez les filles, on s’observe plus, surtout au début, l’ambiance était moins conviviale. Mais avec le temps, on apprend à se connaitre et on a fini par former un bon groupe. Enfin ce qui est amusant dans mon cas, c’est qu’en passant de la section Junior à féminine, je suis passée de la petite dernière à la première… donc les choses sont bien différentes pour moi.

 

Quelle est aujourd’hui la charge d’entrainement de l’équipe ?
On fait deux entrainements de 2h par semaine, le mardi et le vendredi. En prévision du match, on a aussi rajouté des révisions de jeux le samedi. Et puis pour celles qui le souhaitent, on peut également participer à la préparation physique avec les seniors le lundi et le jeudi.

 

Vous vous apprêtez à disputer votre premier match. Quel est le sentiment dans l’équipe ?
On est excitées, très motivées, avec une petite pointe d’appréhension aussi car on joue chez nous et qu’il y aura du monde dans les tribunes. Mais le sentiment principal c’est vraiment la volonté et la motivation. D'autant que c'est un événement historique, vu que c’est le premier match féminin de l’histoire entre deux équipes françaises . Il y aura même des chaines de TV pour relater l’événement. Et en plus du match à proprement parlé, il y aura des animations et des surprises…

Les Centaures au féminin
Les Centaures au féminin (Centaures de Grenoble)

Comment voyez-vous l’avenir des Centaures au féminin ?
Le projet de l’équipe féminine est un projet sur le long terme. Quelques filles, dont moi, vont quitter Grenoble et donc l’équipe pour raisons professionnelles, mais il restera encore un bon noyau. Il y aura je pense des regroupements régionaux qui permettront de grossir nos rangs et d’avoir plus d’oppositions. Enfin, la couverture médiatique que nous apporte le match permettra de faire connaitre notre équipe et notre sport à un plus grand nombre de personnes.

 

Un championnat de France ? Une équipe de France ? Vous y croyez ou c’est un rêve pour les années à venir ?
Pour moi, l’équipe de France est un peu prématurée, même si cela aurait été une superbe expérience. Peut-être dans 4 ans c'est-à-dire pour la prochaine coupe du monde ! En ce qui concerne un futur championnat de France, je pense que c’est en très bonne voie, pour l’année prochaine ou dans deux ans. Des équipes se forment un peu partout en France, et plus seulement en Ile-de-France. Comme le nombre de joueuses restent néanmoins limité, je verrais plutôt un championnat à 9. Mais dans tout les cas, nous avons besoin du soutient des clubs et de la fédération, pour avoir des subventions, des bus pour les déplacements par exemple.

 

Il y a beaucoup d’initiatives en ce moment au niveau du foot féminin, que manque-t-il pour que cela explose vraiment ?
De la communication et de la publicité. Par exemple, même si les Sparkles étaient déjà plus ou moins connu dans le milieu du football américain, je n’ai connu leur existence qu’en aout dernier, soit plus de trois mois après mes premiers pas sur le terrain. Le fait est que le foot américain, même masculin, n’est pas un sport très connu du grand public, même si ca s’améliore. Il faut parler de nous, dans les journaux locaux, sur internet via les réseaux sociaux, pourquoi ne pas aussi faire découvrir notre sport dans les écoles, comme ça commence à se développer. Si on a un championnat, cela donnera aussi un but et de la motivation à d’autres filles sceptiques et de se faire voir.

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En VO :  If you're mad at your kid, you can either raise him to be a nose tackle or send him out to play on the freeway. It's about the same. 

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