Le théâtre de la douleur
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Cette saison a été définie par de nombreux débats autour des blessures, experts, écrivains, membres de la ligue. Une seule voix n’a pas été entendue, jusqu'à aujourd’hui, celle des joueurs. Basé sur le journal intime d’un vétéran resté anonyme, Tom Junod mets en lumière ce dernier point de vue dans le magasine Esquire du mois dernier.
« Mon genou a été douloureux toute la semaine. Je ne sais pas pourquoi. Il n’a pas été touché directement lors du dernier match. Pourtant lorsque j’enfile une attelle, mon genou est vraiment fébrile. Lorsque je me déplace, mes tendons et mes muscles son tellement tendus que j’ai l’impression qu’ils vont se rompre. Le bas de mon dos est si douloureux, tellement raide et courbaturé ; mon épaule droite a perdu une partie de sa mobilité. Ma cheville droite est constamment contuse, la gauche est plus que précaire. Cela en devient difficile de réagir au mouvement. J’utilise le mot difficile, mais je devrais plutôt dire presque impossible. Je n’arrive pas à dormir, je suis tendu et les jours de match je dois prendre des tas d’antidouleur. »
Extrait du journal écrit par un joueur NFL sous couvert de l'anonymat afin de préserver ses enfants.
En 2009, Willis McGahee alors running back pour les Baltimore Ravens, réceptionna une passe lors d’un match de playoff, une finale de conférence contre les Pittsburgh Steelers. La passe lancée par Joe Flacco était parfaite. McGahee est reconnue pour ses talents de receveur depuis son passage à l’université de Miami, sur ce jeu il avait réussi a s’extirper du marquage et courait droit vert l’en-but. Le RBRunning Back (RB)
Terme générique qui englobe les HB et les FBFullback (FB)
coureur puissant et polyvalent. Il joue le rôle de bloqueur, de receveur et de bulldozer balle en main. Constitue avec les halfbacks (HB), les running backs (RB).. n'avait pas a ralentir. Il attrapa la balle par dessus son épaule intérieure à pleine vitesse. Ryan Clark, le safetySafety
Signifie deux choses différentes :
1- c'est le plaquage du porteur du ballon dans sa propre zone d'en-but. Cela rapporte 2 points à l'équipe qui l'effectue et elle récupère la possession du ballon. L'équipe victime du safety va alors dégager depuis ses 20 yards au moyen d'un botté façon puntPunt
action utilisée en 4ème tentative et x yards à parcourir. Plutôt que de tenter les x yards, l'attaque choisit de botter le plus loin possible pour faire reculer son adversaire..
2- c'est un poste en défense. Le safety est en quelque sorte le dernier rempart. Il tient en quelque sorte le rôle d'un libéro en football européen. des Steelers l'attendait.
C’était une action d’éclat lors d’un grand match, action qui c’est avéré décisive.
passe du QBQuarterback
c'est le stratège de l'équipe. Il décide des tactiques avec ses coachs. Il est chargé de transmettre la balle à ses coureurs et de distiller les passes à ses receveurs. rattrapée par un défenseur (un adversaire). de Troy Polamalu ramené dans l’en-but pour 6 points. Les Ravens avaient récupéré la balle sur leur vingt-six yards, et d’apprêtaient à jouer une seconde tentative et 6 yards. McGahee avait pris contrôle du ballon juste après la ligne des 35 yards, avec deux pas de plus il aurait dépassé les 40 yards.
Il n’y arriva jamais.
Au moment de la réception, Clark se préparait à accueillir le RB, fléchit, rassemblant toute son énergie cinétique, puis en une extension, ses pieds quittaient le sol, son corps se projetant vers McGahee l’épaule en en avant, déchargeant alors en un impact libérant toute son énergie et sa puissance. Lors du choc, son corps s’enroula autour de celui du coureur, ses jambes mimant un hélicoptère. C’était un placage sur le haut du corps, mais bien légal. Le coup de tonnerre émanant du choc était énorme, la collision de deux carcasses métallique, le son d’une cymbale transformer par la force du choc en un gong.
Clark tomba sur le flanc, tenant son casque entre ses mains, comme pour tenter d’étouffer le sifflement dans ses oreilles. McGahee tomba tel une poupée de chiffon sur le dos, position dans laquelle il resta inanimé.
« Oh quel choc ! La balle est sur le sol, elle est récupérée par Timmons. Ryan Clark est toujours au sol, tout comme Willis McGahee. Les arbitres annoncent que le fumbleFumble
quand le porteur du ballon laisse échapper celui-ci par maladresse ou suite à un choc. Le ballon est alors à terre mais vivant et c'est la 1ère équipe qui le ramasse qui en prend la possession. Avec les interceptions, le fumble est la seconde façon de rendre le ballon à l'adversaire. Ensemble, ils constituent des Turnovers (pertes de balle). C'est souvent cette stat. qui décide de l'issue de la rencontre. est récupéré par Pittsburgh… »
Ce n’était pas une posture à laquelle McGahee était accoutumé. Il l'avait connu uniquement six ans plus tôt, lors de son dernier match avec the U. Il se détruisit littéralement le genou. Sa blessure fait toujours partie intégrante du Top 10 (âmes sensibles s'abstenir) des pires blessures de tous les temps.
Aujourd'hui les nouvelles générations de joueurs font face à la nouvelle plaie de la NFL, les blessures cérébrales. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, ou la combinaison de la dimension athlétique poussée à la limite du corps humain et l’expansion du savoir neurologique, dévoilent une nouvelle horreur, celle de voir des joueurs de football, nos héros sombrés dans la dépression où la démence.
« Lorsque nous assistons à un choc brutal, nous essayons d’aller sur le terrain le plus rapidement possible, » raconte Dr Anthony Yates, qui durant les trente dernières années a été le médecin des Steelers ainsi que le président des praticiens de la ligue. « Vous présumez qu’il s’agit d’une commotion cérébrale et vous espérez que le premier diagnostic soit le bon, et que ce n’est rien de plus.»
Le spectacle de deux équipes jusqu’ici luttant violemment pour le cuir sur le champ de bataille, se transforme alors en un terrain peuplé d’hommes solidaires, un genou à terre plongé dans des prières désespérées, des commentateurs scrutant le terrain à la recherche de signe encourageant.
Seulement Willis McGahee était immobilisé, attaché à la civière, et évacué du stade, après quoi Pittsburgh prit la possession de la balle et du jeu, en chemin vers la victoire et une participation au 43ème Super Bowl.
McGahee joue aujourd’hui pour les Denver Broncos et se rééduque suite à une entorse du genou. Avec les playoffs qui approchent, les blessures redeviennent un sujet central dans la ligue, en quelque sorte le réchauffement climatique du sport.
L'avis d'un joueur semble essentiel. « Les blessures n’ont pas affecté ma carrière, » explique-t-il. « J’ai été blessé seulement deux fois. Une fois en universitaire et une fois chez les pros. » Ok alors la deuxième est survenue contre les Steelers... « Non, la seconde, c’est mon entorse actuelle. »
Lui comme la majorité des autres footballeurs ne considère donc pas les traumatismes crâniens et autres commotions cérébrales comme des blessures. « C’est comme ça, mais souffrir d’un traumatisme ou s’exploser le genou sont deux choses différentes. Vous vous relevez d’un traumatisme crânien. »
Cependant il ne se considérai pas meurtri, car comme tous les joueurs NFL, il se considère comme un expert dans ce qui qualifie une blessure ou ce qui n’en ait pas une. La perte de conscience entraînée par le traumatisme n’est pas considérée comme une blessure, car elle ne nécessite pas de rééducation.
Cela n’a pas remis sa carrière en cause. Il n’a pas été séparé de ses coéquipiers. Et par-dessus tout, cela n’est pas douloureux.
« Les fans ne savent rien de notre douleur, » explique Clark lorsqu’il parle de son expérience. « Ils ne savent que ce qu’ils voient le dimanche sur le terrain. Ils ne savent pas le travail, les sacrifices, la rééducation, le réveil le lundi matin. De nombreuses blessures ne sont même pas évoquées, celles qui ne te font pas sortir du terrain. Les gens me demandent “Tu te sens bien ?” non tu ne te sens jamais bien une fois que la saison a débutée. Cela devient ta façon de vivre. Cela devient ta norme. C’est totalement différent d’un gars qui va travailler à la banque. Si seulement un jour il s’était senti comme je me sens le lundi matin, il n’aurait pas pu se lever, » raconte le safety.
« La douleur est notre seule perspective,» raconte le vétéran auteur du journal. « Quelles autres perspectives avons-nous ? Notre corps est brutalisé depuis que nous sommes enfants, on nous apprend que nous ne sommes jamais trop blessés pour jouer. Ainsi lorsque l’on me demande “Comment te sens-tu ?” pendant des années je n’ai pas su quoi répondre, être honnête? cela aurait été vu comme un signe de faiblesse, le mec à côté aurait pris mon job. »
Pour les fans, les blessures sont comme les coupures pub, il s’agit du prix à payer pour regarder un spectacle. Pour les parieurs ou les accros du Fantasy Football, ils ne sont que des statistiques, pour les journalistes ce ne sont que les sujets de bonnes histoires. Les lésions et les douleurs sont des réalités quotidiennes, c'est le centre de leur vie, une réalité alternative qui transforme leur vie en théâtre de douleur. Subies en public et endurées en privé, les blessures embuent la pensée de joueurs et ils tentent de les éloigner de leurs esprits.
Il ne s’agit pas seulement d'atteintes causant une douleur ou un inconfort, mais coutant aussi en moyenne deux semaines de temps de jeu. Il ne s’agit pas seulement de bleus, de contusions ou d’égratignures, mais pire de traumatismes crâniens, de ruptures de ligaments, de tendons, des entorses du genou, des hyper extensions, des fractures, des hernies, des déchirures… etc.
Ce qui surprend le plus, c’est la facilité avec laquelle les joueurs parlent de leurs blessures et de la gestion de la douleur. Ils ne se plaignent pas. Ils savent tous ce pourquoi ils ont signé, et ils savent tous que lorsqu’ils vieilliront « Nous allons mal tourner, » raconte Ryan Clark. « Les entraineurs qui nous entourent sont tous d’anciens joueurs et aucun d’entre eux n’est normal. »
Ils veulent que les gens comprennent que leur vie n’a pas suivi le chemin traditionnel, « il s’agit d’un jeu fou, vraiment fou, » comme le raconte l’auteur du journal.
La première règle en NFL est très bien définie par Ed Reed « Il y a une différence fondamentale entre se sentir blessé et avoir une blessure. Tout part de là. » Mais lorsque vous êtes de façon permanente en souffrance, comment savoir lorsque vous êtes réellement blessé ? « Souvent tu ne réaliser même pas lorsque tu te blesses parce qu’avant chaque match tu reçois des injections de Toradol ou un autre genre d’anti-inflammatoires, donc tout va bien, » raconte Matt Hasselbeck, le quarterback des Tennessee Titans. « En plus de ça tu as la montée d’adrénaline, du coup tu ne sens quasiment plus tes blessures. Tu ne ressens vraiment la douleur que le lendemain. Ton état d’esprit est de jouer quoiqu’il arrive, tant que tu peux gérer, jusqu’à ce que tu ne puisses plus. D’après mon expérience, lorsque tu sors sur blessure, le préparateur physique ou le médecin se précipite à ta rencontre. “Tu n’as pas bougé ton bras depuis 30 s, que se passe t’il ?” À ce moment-là, tu leur dis que tout va bien, qu’ils te laissent tranquille. »
Il toujours d’autres voies à emprunter dans la vie comme en NFL. Par exemple Ed Reed est aussi connu pour avoir une hygiène de vie irréprochable, et une connaissance parfaite de son corps. « J’explique toujours aux jeunes de prendre soin de leur compagnie, » dit-il. « C’est comme ça que je surnomme mon corps, parce qu’il s’agit de votre outil de travail, de votre valeur. » Il a aussi l’habitude de consulter son propre médecin à la place du docteur de l’équipe, et le vétéran conseille les autres joueurs de faire de même. Il étudie la neurologie de la même façon qu’il étudie les quarterbacks adverses. Il raconte que parfois, il a des prémonitions concernant les blessures avant de pénétrer sur le terrain. « J’ai des pressentiments. Du genre aujourd’hui je ne me sens pas bien. Je vais devoir être vigilant. » Lorsqu’il se retrouve au sol, lui, tout comme le faisait Jim Brown, il prend son temps pour se relever, « Je reste au sol vérifiant que tout va bien pour moi. » Jusqu’ici, il a pu naviguer sans trop d’encombres dans les eaux troubles de la douleur étiant les longues blessures.
Il a eu une entorse de la cheville qui c’est avérée être une fracture. Il c’est blessé aux cotes il y a quelques années et « elles me font toujours souffrir aujourd’hui. » Il a joué « les 4 ou 5 dernières années » avec un nerf pincé.
Il y a deux ans contre Pittsburgh, il ressentit ce qu’il appelle « une pointe » sur sa hanche, « le jeu suivant j’étais blessé. » Quelle était la différence entre la blessure et le point de côté ? « Je savais que quelque chose était anormal. Je n’avais jamais senti quelque chose comme ça auparavant. C’était différent. C’était comme une piqure d’abeille, mais dix fois plus douloureux, cent fois plus puissant. »
Cette blessure était mesurée par la seule échelle qui compte: il ne pouvait pas jouer. Il eut alors à choisir entre la chirurgie et la rééducation. Il choisit la rééducation. Il fut hors jeu quelques semaines, et tenta un retour contre Green Bay. « C’était un peu trop tôt. Je n’étais pas à mon niveau. » Il dû patienter une semaine de plus. Il reprit le chemin du terrain en ayant conscience qu’il n’était pas à 100 %. « Et pour finir, j’ai été obligé d’avoir recours à la chirurgie lorsque la saison fut terminée. » Cette année, il a joué toute la saison avec une lésion du labrum supérieur de l’épaule (cartilage entre l’os de l’épaule et l’os du bras). « C’est plutôt douloureux, » dit-il. Mais il a continué à jouer, car il est toujours meilleur blessé que ne l’était son remplaçant en bonne santé. Il aide plus son équipe en jouant qu’en restant assis sur le banc.
Il joue, car il le peut et parce que peut importe l’attention qui est portée aux blessures et peut importe combien la ligue a déjà changé, la seconde règle élémentaire en NFL est de jouer jusqu’à ce que cela devienne impossible. Et si vous changez cela, ce n’est plus la NFL.
« Tout commence en pee-wee, » explique Ryan Clark. « Lorsque j’avais 6 ans, j’étais un retourneur dans l’équipe de mon père. Je me suis fait mal. Je suis allé le voir, “Papa, je ne peux plus bouger mon cou », mais je ne lui est dit qu’après avoir retourné le punt pour un touchdownTouchdown (TD)
c'est l'essai qui vaut 6 points et qui peut être transformé au choix à 1 ou 2 points. Il suffit que le ballon pénètre dans la endzone. (pas besoin d'aplatir). » En tant que joueur vous vous souvenez des blessures dont vous avez triomphé, mais vous vous rappelez aussi de celles qui vous ont surpassés et qui ont marqué de façon irrévocable votre âme autant que votre corps. « La pire douleur que j’ai ressentie était lorsque je me suis brisé la clavicule, » raconte le defensive end des Falcons, Jonathan Babineaux. « C’était au lycée. Je me souviens comment cela c’est déroulé. Je venais d’avoir de nouveaux pads, et ils n’étaient pas encore faits à mon épaule. Lorsque j’ai plaqué un joueur solide, ma clavicule c’est rompu à deux endroits. La douleur était insoutenable. J’ai eu des déboires à tous les niveaux, à la fac je me suis cassé la cheville. Il y a 3 ans, j’ai eu un arrachement musculaire au biceps. Mais rien n’est comparable à la clavicule. J’étais allongé sur le terrain et ma première pensée a été, « Est-ce que je peux gérer la douleur ?» Et quasiment au même moment, dans le même souffle vous pensez combien de temps vais je rester hors des terrains ? Est-ce que cela va remettre en cause ma carrière ? »
Tous les membres de la NFL sont choisis pour leur taille, leur force, leur talent et leur niveau d’agression. Mais comme tous autres joueurs, Babineaux a été choisi pour une chose supplémentaire : cette première pensée qu’il a eue lorsqu’il s'est retrouvé gisant au sol. Dans chaque carrière de joueurs, la peine offre une porte de sortie. Ceux qui arrivent en NFL sont ceux qui comprennent depuis le début que la douleur vous offre une porte d’entrée chez les pros. « Ma pire blessure sur le terrain, pour ma femme et mes enfants, était contre les 49ers. » explique Matt Hasselbeck. « Patrick Willis m'avait percuté lors d'un plongeon vers l'en-but. Il m'avait frappé et 20 minutes plus tard, j'étais dans une ambulance. J’ai eu une cote brisée à gauche et une à droite. Celle cassée à droite était toute proche de l’aorte, c’était dangereux, de plus je ne pouvais plus respirer. Comme si j’avais un poids sur mon torse. Lorsque je suis sorti du terrain, je ne pouvais vraiment plus respirer, nous étions dans une situation de 2min, je ne voulais pas que l’équipe utilise un temps mort pour moi. J’ai essayé de sortir du terrain en courant. À mon arrivée sur la touche, les médecins m’ont allongé sur le sol, j’étais littéralement violet.»
Tout ceci définit le travail du Dr Yates « Mon boulot est de protéger les joueurs d’eux mêmes. » Le médecin des Steelers est souvent le premier à voir un joueur après une blessure, et il doit souvent se rappeler qu’il a faire avec un homme qui lorsqu’il va au sol veut toujours se relever le plus vite possible. « Après plusieurs jurons, ils commenceront à vous dire "tout va bien, tout va bien, aidez-moi à me relevez, je vais bien." C’est à moi de dire "Allons sur la touche et vérifions tout ça.”, mais comme vous pouvez l’imaginer c’est plus facile à dire qu’à faire. »
Les joueurs savent ce qu’il se passe sur la touche. Ils sont traités, ils sont glacés, vaporisés et ont leur donne de l’Advil. Mais la vérité est qu’ils sont aussi remplacés. Le médecin parle au préparateur physique, le préparateur prévient le coach de position, et ce dernier parle à l’entraineur principal. Le coach ne parle jamais directement avec le joueur. La seule chose qui l’intéresse est peut il jouer? Beaucoup de questions sont posées aux blessés, toutes afin de déterminer s’il est souffrant ou réellement blessé. Mais la dernière question est la seule qui compte et celle dont tout dépend. « Peux-tu jouer ? » Les joueurs savent que s’ils ne peuvent pas rentrer sur le terrain, quelqu’un d’autre le peut, et suivant leur statut ils ne pourront peut être plus jouer avec l’équipe. « Si vous ne jouez pas ou si vous ne vous entrainez pas, certains coachs ne vous parleront même pas, » raconte Hasselbeck. « C’est la technique old school, mais pour être honnête je l’apprécie. » Il y a aussi certains coachs qui rendent visitent aux joueurs en salle de rééducation le lundi. Il y a aussi ceux qui mettent la pression sur les préparateurs physiques et les médecins pour récupérer les joueurs coûte que coûte. Il existe aussi des entraineurs qui diront « Tu es blessé, tu es blessé, » soigne toi comme un homme.
Peut importe le coach, une chose est sure, si un athlète tombe à l’entrainement, il déplacera l’équipe 10 ou 20 yards plus loin pour continuer la session pendant que le joueur est au sol. Tous les entraineurs, à tous les niveaux vont de l’avant même si le joueur ne le peu pas. Ce n’est pas une complainte.
Il s’agit la de la troisième règle élémentaire en NFL, tous ceux qui travaillent pour l’équipe, travaille pour l’équipe. L’entraineur travaille pour l’équipe.
Le coach assistant travaille pour l’équipe ainsi que le médecin. Ils sont payés pour vous permettre d’être sur le terrain, ou comme le dit Dr Yates « Afin de vous aider à jouer durant votre carrière ». C’est pour cela que l’union des joueurs c’est battu pour avoir le droit d’obtenir un second avis médical, c’est aussi pour cela que les joueurs se protègent les uns les autres. Ed Reed choisit toujours un vestiaire proche des joueurs d’équipe spéciale et des free agents qui sont les pièces les plus vulnérables de l’équipe.
Il y a cependant une règle a ce sentiment de fraternité, vous devez être blessé ou avoir connu cette souffrance. « La façon la plus rapide de gagner le respect et la confiance de vos coéquipiers et coachs est de jouer malgré la peine et la souffrance, » explique Hasselbeck.« Le chemin le plus rapide pour perdre ce respect est de dire "hey, je ne peux pas jouer." Tu continues a jouer parce que tu es si proche du mec à côté de toi dans le vestiaire que tu ne veux pas le quitter, » raconte l’auteur du journal. « Tu es comme un soldat, et tu penses comme un soldat. Je n’ai jamais eu peur pour ma propre santé. J’ai déjà eu peur d’être mauvais, peur d’être battu, peur de montrer une faiblesse. Si tu es blessé, tu as l’impression d’avoir fait quelque chose de mauvais, particulièrement si tu es placé en injured reserve. Vous êtes alors au purgatoire. Vous êtes oublié. Où alors les gens sont énervés que vous ne soyez pas disponible. Ta capacité a enduré la douleur est ce qui détermine ta qualité en tant que joueur, en tant qu’homme. Les blessures permettent de te juger. Je l’ai fait moi aussi. De nombreuses fois, j’ai vu un jeune sortir du terrain après quelques minutes alors qu’il bataillait avec la douleur depuis quelque temps. Et je pensais "Quelle chochotte, remplacé le par un gars plus dur." »
Peut importe qu’ils soient des soldats sur un champ de bataille, ou bien acteur dans le théâtre de la peine, il n’y a qu’une seule chose de sure : ils voient de sacrées merdes. Ils voient des hommes se tordre de douleur, pleurer, crier. Ils voient leurs coéquipiers inconscients, attachés à une civière et « c’est ce que tous joueurs redoutent, » raconte Jeff Saturday, le centre des Green Bay Packers. Ils sont les observateurs privilégiés de la souffrance, mais pires que ça, de la peur. Peut importe ce dont ils sont témoins, ils savent qu’ils doivent aller de l’avant sans succomber à la peur. Ils vont vers l’homme qui est tombé et font la seule chose qu’ils peuvent faire. « Tu lui dis de rester fort, » explique Reed. « Il va s’en sortir. Tu l’encourages. C’est tout ce que tu peux faire. » « La façon dont tu réagis lorsqu’un camarade est blessé dépend de la sévérité de la blessure, » déclare Clark. « Sean Spence, un de nos rookie a été blessé en début de saison, et j’en ai pleuré. Un jeune gars, un jeune prometteur, il s’est déboité le genou, tellement qu’il ne pouvait pas bouger son pied. Lorsqu’un mec se fait une entorse, on n’en parle même pas. »
«Notre retourneur Marc Marini a souffert d’une fracture ouverte. L’os est passé à travers la peau et c’était vraiment horrible. C’est difficile de voir un ami ou un coéquipier comme ça. Mais tu essayes de laisser les gens faire leur boulot, et de les laisser s’inquiéter. Nous on essaye de se concentrer sur ce que l’on sait faire. Tu dois te reconcentrer. Dans le huddle j’essaye de rassembler tout le monde "On ne peut rien faire pour Marc. C’est un ami, un frère, un coéquipé, mais on ne peut rien faire pour lui," » explique HasselBeck.
Ce qu’ils ne font jamais, tant que le placage est légal, c’est blâmer le joueur qui est à l’origine. « J’ai déjà vu un mec dont le tibia et le péroné sortaient de sa chaussette. Je me sentais mal pour le gars, mais je ne me suis jamais préoccupé de celui qui avait causé ça, » raconte le vétéran. « C’est toujours du genre "Ca craint, tu t’es cassé la jambe", mais jamais "Ca craint, tu lui as cassé la jambe." »
« Tous ceux qui vous diront qu’ils sont tristes parce qu’ils sont à l’origine d’une blessure vous mentent. Comment peux-tu t’en vouloir ? Tu rentres sur le terrain pour affronter un mec qui est aussi grand et aussi fort que toi. Les coachs te disent de leur botter lui p****** de cul. Tes coéquipiers, les médias, et même ta femme te disent de lui botter ses fesses. Et s’il est blessé, comment peux-tu lui dire "Je ne voulais pas te blesser." On t’enseigne à blesser les gens.” »
Ed Reed ne nouvelle fois nous prend à contre-pied. « Cette année, j’ai blessé un lineman contre Philly. C’était de la mauvaise technique de ma part, et j’ai emporté le genou de leur centre. J’ai demandé à John Harbaugh qui connaît bien Andy Reid d’envoyer toutes mes excuses à leur joueur. C’était le second match de la saison, je ne voulais pas le blesser, à cause de moi il a perdu la totalité de sa saison. Je ne le connaissais pas personnellement, mais maintenant je veux le faire, j’ai le plus grand respect pour lui. »
Ryan Clark est un homme craint en NFL. Il est aussi fréquemment pénalisé et soumis à des amendes. La saison dernière, il a dû payer 55 000 dollars pour des placages hauts, pas forcément très différents de celui qui a sorti Willis McGahee en 2009.
Cette saison après avoir été pénalisé lors du match face au Giants, il s’est plaint d’être visé par les arbitres à cause de la notoriété de chasseur de têtes qu’il s’est bâti. Il a aussi subi deux traumatismes crâniens qui l’on pousser à changer de type de casque. Il n’a pas l’intention de blessé qui que ce soit, il dit qu’il punit simplement les joueurs qui attrapent la balle.« C’est quelque chose que tu ne veux jamais faire. Tu ne te prépares pas à blesser un autre joueur.»
Il n’a cependant aucune pitié pour personne dans la ligue, lui en premier. « J’ai déjà connu différentes situations. Je suis quasiment mort pour avoir joué au football. Je souffre de thalassémie, maladie qui est agravée par l’altitude. J’ai perdu ma rate et ma vésicule, j’y suis presque passé. Foncièrement, ce n’était pas une blessure, il s’agit d’une maladie. Mais ça ne change pas ma philosophie. Je me fous de tout ça jusqu’à ce que ça me touche. Les blessures font partie de ta vie lorsque tu es un joueur de football. »
« J’ai de suite compris que quelque chose n’était pas normal à Denver. Le staff n’a pas compris. Ils ont pensé que c’était juste l’altitude. Ils m’ont dit que ça irait mieux la semaine d’après. Je ne pouvais pas accélérer, je ne pouvais même pas courir. J’ai demandé une seconde opinion, et ils m’ont amené à l’hôpital. C’est ma philosophie qui m’a sauvé. Je suis vivant. Si je peux jouer, je joue. Si je ne peux pas, c’est que quelque chose va de travers. Ca m’a sauvé a vie. » Il ne pourra jamais changer la façon dont il joue. Il essaye de s’adapter aux nouvelles règles afin d'éviter les pénalités. Son jeu est basé sur l'essence même du jeu.
« Si tu peux jouer, tu joues. Joue dur et frappe tout ce qui bouge. »
McGahee retomba sur le dos du défenseur. Will Allen se releva alors célébrant le “big play”, tandis que le coureur restait au sol souffrant d’une blessure inoubliable. Son genou était désarticulé, plier dans le sens inverse d’un corps humain normal. Plus aucun ligament ne tenait sa cuisse à son tibia.
A l'arrivée des médecins, McGahee était en état de choc, et il ne se souvient quasiment de rien. Lorsqu’on lui demanda la première pensée qu’il lui a traversé l’esprit alors qu’il était étendu sur le sol, « mon esprit était éparpillé, » mais « je me demandais si je pourrai un jour rejouer au football. »
Il avait souscrit une assurance de 2,5 millions de dollars dans l’éventualité où il ne pourrait plus pratiquer son sport. Il la déclina et se présenta à la draft. Il fut choisi par Buffalo, et passa la totalité de la saison entre la salle d’opération et la salle de rééducation. Il est par la suite devenu un coureur prolifique pour Buffalo puis Baltimore avec lesquels il dépassa les 1000 yards.
Il signa avec Denver en 2011, et il est une des raisons de la résurrection de Peyton Manning. Tout ceci jusqu’à ce qu’il se fasse une entorse au genou assorti d'une fracture contre San Diego. Allongé sur le sol, ne connaissant pas l’étendue de sa blessure, il pensait être de retour deux semaines plus tard.
Mais il ne dit pas toute la vérité, en tout cas pas toute la vérité. En fait, il n’a pas seulement subi deux blessures au genou dans sa carrière, mais toutes les parties du corps qui peuvent l'être ont été touchées. Il fut touché aux cotes. Également à l’épaule. Sa cheville, ses yeux et aussi à la tête. Pourtant il ne nous menait pas en bateau, il n’avait aucune raison. McGahee ne jugeait ses blessures qu’à travers la perspective de la douleur, et d’après cette dernière, une seule vérité compte :
« Il me tarde de revenir sur le terrain… »
« Je ne peux plus attendre. »
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