Lynn Stiles : "Smarter and Tougher"Les enseignements d'un triple vainqueur du Superbowl
J'ai dans ma vie eu l'occasion de serrer à 2 reprises la main à une personne ayant remporté le Superbowl : la premiére fois c'était Mike Singletary, la seconde fois c'était Lynn Stiles. Si Singletary m'avait impressionné par son "aura", Lynn Stiles a été pour moi un choc encore plus grand tellement c'est un homme d'une générosité et d'une intelligence rare. Ce fût pour moi un plaisir constant de pouvoir discuter durant 2 bonnes heures avec lui du football universitaire, de la NFL des 49ers et des Rams qu'il a entrainé, des Chiefs dont il a été le GM (et chez lesquels il avait fait signer Joe Montana)... et du football actuel.
Cela m'a aussi fait réaliser a quel point la NFL était une élite ou ceux qui coachaient durablement étaient des hommes d'une grande intelligence, des personnes qui comprennent et parlent de leur sport d'une maniére unique. J'espére que vous apprecierez ce trop court extrait des échanges que j'ai eu avec cette homme de coeur et tout en refléxion qui a passé la majeure partie de sa carriére aux cotés de Dick Vermeil : en effet aprés un début de coaching, en 1963, du coté de l'université d'Utah(ou il a joué) puis de l'Iowa, il a rejoint Vermeil à UCLA en 1972. 3 ans plus tard il remportait le Rose Bowl face à Ohio State alors qu'il était coach de la défense; lorsque Vermeil est parti en NFL, il a demandé à Stiles de le suivre du coté des Eagles (1979-1986); Vermeil est parti de la NFL en 1982 mais Stiles est resté encore 4 ans chez les Eagles avant de migrer vers les 49ers (1987-1991) puis chez les Chiefs ou il a été nommé Général Manager en 1992 (il y a transferé Joe Montana). Il est resté chez les Chiefs jusqu'a ce que Dick Vermeil l'appelle chez les Rams en 1999 (ou il met la main sur Kurt Warner). Il est reparti ensuite comme GM des Chiefs et y est resté jusqu'en 2006.
Durant toute cette carriére en NFL, Lynn Stiles a disputé 4 Superbowl (il a perdu le XV avec les Eagles) et en a remporté 3 : 2 avec les 49ers (XXIII et XXIV) et il avec les Rams (XXXIV). Chapeau bas et Respect Mister Lynn Stiles!
Vous avez remporté le Superbowl et le rose Bowl qui sont deux titres légendaires ; quelles sont les clés qui vous ont permis de tels succès ?
Commitment! Dedication! C’est-à-dire une grosse habitude travail, une éthique professionnelle de chaque instant, une étude fine de tous les petits détails pour connaitre parfaitement son adversaire. Tout cela est tourné vers 3 régles d’or qui contribuent à forger une attitude de pro, de gagnant et c’est à ce prix que l’on peut être sans cesse à son meilleur niveau possible et donc se frayer un chemin vers le succès.
Cela signifie qu’un joueur doit avoir dans son cœur et dans sa tête une attitude constante vers l’excellence. L’attitude c’est quelque chose de contagieux, c’est mental et pas physique. Tous les joueurs n’ont pas le même talent naturel, ni le même niveau d’expérience… mais tous doivent être attentif à être « Smarter et Tougher ». Et c’est le travail du coach de faire entrer cela dans la tête et le cœur des joueurs.
« Smarter et Tougher », c’est-à-dire ?
Sur le terrain il y a trois règles d’or : Stop Turnover, Stop Penalties et l’attitude. Stop turnover car c’est là-dessus que se jouent tous les matchs serrés. Il faut donc apprendre aux joueurs à être intelligent tout le temps et de bout en bout d’un match ; c’est une éthique qui se forge à force de répétition. On doit toujours donner le meilleur de soi et de son intelligence pour ne pas se mettre en difficulté. Je disais souvent aux joueurs que le ballon n’est pas en cuir, mais en une matière qui se site entre l’or et le diamant ; on ne veut pas le perdre quand on l’a. Maintenant dans l’esprit de l’attaque, le turnover ne doit pas être la fin… mais on doit l’éviter. Lorsque j’étais coach défensif d’UCLA, on a disputé un match contre USC ou l’on a perdu 9 ballons, mais chaque fois notre défense a arrêté l’adversaire. La défense à trouver le moyen de faire que le turnover ne soit pas la fin ; mais bien sûr il faut toujours l’éviter.
Stop penalties car c’est inacceptable d’annuler un gain par une faute bête. Un coach doit prendre le temps après chaque match pour débriefer les fautes et passer du temps a l’entrainement avec le joueur pour le faire répéter de manière a ce qu’il ne refasse plus les mêmes fautes à l’avenir.
Enfin, le coach doit apprendre aux joueurs à être intelligent et à avoir une attitude qui soit toujours tournée vers le travail et la volonté d’apprendre. Là encore c’est à force de travail que l’on devient intelligent, rien n’est dû au hasard. Après lorsqu’un joueur fait une erreur, comme commettre un fumbleFumble
quand le porteur du ballon laisse échapper celui-ci par maladresse ou suite à un choc. Le ballon est alors à terre mais vivant et c'est la 1ère équipe qui le ramasse qui en prend la possession. Avec les interceptions, le fumble est la seconde façon de rendre le ballon à l'adversaire. Ensemble, ils constituent des Turnovers (pertes de balle). C'est souvent cette stat. qui décide de l'issue de la rencontre., il faut faire mesurer au joueur son erreur et lui donner l’envie de ne plus jamais la refaire. Par exemple, ce que je faisais avec les coureurs qui avait commis un fumble, c’était de les forcer à porter toute une semaine un ballon dans leur bras ; ainsi ils prenaient conscience de leur erreur et du désagrément ! Cela leur permet aussi d’avoir une conscience mentale du ballon et du fait qu’il est précieux.
Ces 3 règles d’or nécessitent un très fort investissement du joueur mais aussi un rapport de confiance entre joueur et coach, comment fait-on pour en arriver là ?
On n’a pas à s’aimer entre coach et jouer, on doit se respecter et se retrouver autour d’une éthique du travail. Un coach doit prendre le contrôle et l’ascendant total sur son effectif. Il ne le fait pas pour le plaisir, il le fait pour faire progresser chacun des joueurs et pour tirer le meilleur de chacun. C’est aussi comme un cercle vertueux : le coach montre l’exemple, il est le premier et le dernier sur le terrain, il doit être toujours aux aguets et disponible pour les joueurs… vous devez faire comprendre à chaque joueur qu’il compte beaucoup et vous le faîte en passant du temps avec eux, en l’aidant sans cesse à progresser et ainsi à atteindre ses buts. C’est une alchimie qui doit se forger entre le jouer et le coach autour du travail et de la volonté de faire son maximum.
Pour continuer sur cette alchimie, vous avez dans votre carrière su remettre des équipes sur les rails, les faire sortir de la médiocrité pour aller vers l’excellence… comment avez-vous fait ?
Premièrement il ne faut pas hésiter à dire au-revoir aux joueurs qui n’accrochent pas à l’esprit de travail total ! Ceux qui ne sont pas là pour donner à chaque instant le meilleur d’eux-mêmes n’ont rien à faire dans une équipe. Par exemple, lorsque l’on remporte le Superbowl XXIII face aux Bengals, il n’y avait aucun joueur drafté dans l’équipe spéciale… ce n’était pas un choix, c’est juste que l’on avait mis tous les joueurs les plus motivés.
Une fois que l’on a son effectif où tous les joueurs sont ultra motivés, il faut instaurer l’attitude de confiance dont j’ai parlé auparavant ; un bon coach n’a qu’une mission : permettre à ses joueurs de donner le meilleur d’eux même.
Vous parlez beaucoup de motivation, de dévouement à chaque instant vers le meilleur, y a-t-il un joueur que vous avez coaché qui vous a particulièrement impressionné par son éthique ?
Je dois dire que je n’ai jamais rencontré un joueur qui soit autant perfectionniste et dédié à la culture de l’entrainement que Jerry Rice que j’ai connu lorsque je coachais chez les 49ers. Il était toujours celui qui s’entrainait le plus fort, il ne remettait jamais rien au lendemain, il refaisait encore et encore les mêmes gestes jusqu’à les maîtriser à la perfection, chaque détail comptait pour lui… car il n’avait qu’une idée en tête « être le meilleur » et pour cela il faisait tous les sacrifices possibles. Il n’y a pas de moyens facile d’y arriver, il n’y a que le travail et la volonté d’être « le meilleur que l’on peut ».
La volonté « d’être le meilleur » suffit-elle toujours ?
Non bien sûr ! Il faut aussi que le coach soit bon et attentif pour faire progresser le joueur. Je dis toujours « les joueurs qui veulent devenir bons, vous pouvez les rendre meilleurs »… c’est seulement ceux-là qu’il faut aider, ceux qui pensent qu’ils sont les meilleurs n’ont rien à faire dans une équipe. Il faut bien comprendre qu’être bon c’est un but constant et que l’on ne peut jamais se reposer sur ses lauriers. Pour en revenir sur à la question, non cela ne suffit pas : sans la confiance du coach, sans son dévouement de chaque instant auprès du joueur… un joueur aussi talentueux soit-il passera à côté de son potentiel. Cela peut prendre du temps pour qu’un joueur fasse bien les choses… mais l’essentiel c’est qu’il le veuille et que le coach prenne le temps de l’aider.
Vous avez longtemps coaché des défenses en NCAA, qu’est-ce défendre pour vous ?
En effet, si ma carrière en NFL a été plutôt du côté de l’attaque, en NFL j’étais sur les défenses. Défendre c’est faire mal à l’adversaire ; lui montrer qu’il doit payer le prix pour chaque gain qu’il fait. Chaque partie du corps du receveur, du coureur, du quarterback, de l’homme de ligne doit payer cher le moindre gain : même son index doit payer le prix. C’est en jouant dur que l’on forge une défense, que l’on marque l’attaque et qu’on lui signifie qu’elle ne doit pas tenter de revenir. J’ai une anecdote sur ce qui doit être l’esprit d’une défense : on jouait contre l’université de Californie (Cal) et Muncie avait réalisé une première mi-temps avec déjà 100 yards au sol. A la mi-temps, j’ai pris ma défense à part et je leur ai dit : « on va pas changer le plan de jeu, mais je veux que les 11 mecs sur le terrain lui sautent dessus dès que le sifflet se déclenche et jusqu’à ce qu’il soit entièrement recouvert par une pile de défenseur… et ce action après action ». J’ai pris la responsabilité de toutes les fautes et des yards encaissés, mais ils devaient tous lui sauter à la gorge et ceux qui ne le feraient pas savaient qu’il n’avait pas intérêt à venir sur notre bord de terrain car cela signifiait qu’il jouait avec Cal. Au bout de 5 jeux seulement, Muncie était sorti sur blessure. Une défense c’est cela : jouer dur tout le temps, impressionner l’adversaire, lui faire peur… et évidement être intelligent tout le temps !
Cette mentalité, n’est-elle pas celle que la NFL veut éradiquer ?
Si, et je le comprends tout à fait car maintenant les joueurs sont devenus tellement plus physique qu’il y a quelques années. Je me rappelle qu’il y a 10-15 ans, je pouvais me permettre de prendre des reps avec les joueurs ou de leur montrer comment faire un geste… maintenant ce serait du suicide ! Les joueurs sont devenus tellement grand et costaud, c’est impressionnant. En NFL c’est évident, mais en NCAA cela devient aussi vrai ; vous n’avez qu’à regarder la défense de LSU cette saison pour voir qu’en NCAA sont devenus énormes
Avec de tels gabarits et la vitesse de joueurs comme Suh, il est logique que la NFL ne veulent plus prendre de risque et se retrouver avec des joueurs estropiés ou pire sur le terrain. C’est une autre mentalité, une autre façon de jouer… mais il n’y a pas le choix. On voit de plus en plus des attaques en spread, de la recherche d’athlétisme en attaque pour les favoriser dans le man-to-man, des QBQuarterback
c'est le stratège de l'équipe. Il décide des tactiques avec ses coachs. Il est chargé de transmettre la balle à ses coureurs et de distiller les passes à ses receveurs. qui se calent bien profondément pour le backfield et scannent le terrain… C’est un autre sport, mais cela reste un grand spectacle ; je me dis juste qu’à force de favoriser l’attaque, on va se retrouver dans une situation ou les meilleurs seront tous en attaque et ou on retrouvera en défense que les joueurs qui n’ont pas le niveau pour jouer de l’autre côté.
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