Georgia Tech le royaume de l'optionFootball Roadtrip Saison 7 Episode 8

Paul Johnson et Justin Thomas
Paul Johnson et Justin Thomas
le 24/11/2015 à 13:40 par Thomas Savoja

ATLANTA, Ga – Depuis deux jours, je me suis installé au "Georgia Tech Hotel and Conference Center" au cœur de Midtown. C'est l'occasion rêvée pour me pencher pour le cas très particulier de ce programme de Football qui prône un jeu décalé incarné par la figure de Paul Johnson.

Malgré ce qu’affirme la rumeur, le bureau de Paul Johnson, le coach des Yellow Jackets de Georgia Tech ne se trouve pas dans le fin fond d’une caverne préhistorique mais il domine le joli stade Bobby Dobb au cœur de Midtown dans le quartier universitaire d’Atlanta. Pas de peintures rupestres sur ses murs non plus et Johnson ne vient pas travailler en costume d’homme de Cro-Magnon. Malgré tout ce que l’on pourrait imaginer sur lui, il utilise bien un ordinateur portable et il a même un iPhone. Ok, il ne s’agit pas du tout dernier model, mais un iPhone 4 tout de même !

Bobby Dodd Stadium à Atlanta
Bobby Dodd Stadium à Atlanta
Lorsque je passe les portes du centre d’entrainement d’allure moderne, je perçois immédiatement une odeur de sueur que les jolis meubles et les tapis cossus peinent à dissimuler. Il s’agit là des premiers éléments rappelant les ingrédients traditionnels du Football dont Coach Johnson incarne parfaitement les valeurs conservatrices. La « triple option » me diriez-vous ?

Tant que cela fonctionne, pourquoi changer ?

Pour rappel les Yellow Jackets ont signé l’an dernier une fiche de 11-3, en emportant au passage la division Coastal de l’Atlantic Coast Conference et en décrochant un ticket pour l’Orange Bowl et même si cette saison est beaucoup plus décevante (GT pointe à 3-8), ils peuvent sortir de gros matchs comme en témoigne cette victoire ébouriffante face à Florida State acquise dans les derniers instants sur un rocambolesque Field-Goal contré. Et tout cela malgré les accusations d’archaïsme proféré à l’encontre de leur Head Coach !

Ok, il faut bien admettre que l’homme est à contre-courant sur pas mal de points. Par exemple, Johnson est le dernier coach qui donne ses consignes verbalement, la bouche collée sur l’oreille de ses joueurs qui courent ensuite sur le terrain pour les relayer au QBQuarterback
c'est le stratège de l'équipe. Il décide des tactiques avec ses coachs. Il est chargé de transmettre la balle à ses coureurs et de distiller les passes à ses receveurs.
qui l’exécutera après le huddle.

Paul Johnson
Paul Johnson
Car vous ne rêvez pas, Georgia Tech joue systématiquement un huddle avant chaque action. Un anachronisme dans le monde du Football moderne qui privilégie le jeu accéléré. La grande majorité des équipes communiquent aujourd’hui au travers de ses multiples QB ou via des signaux envoyés par les coachs brandissant des panneaux étranges sur la sideline avec des chiffres et des images codées.

Johnson le fait à sa façon. A 58 ans, Il est aussi à la mode qu’un vieux bus Greyhound mais il assume ce style désuet. Parce qu’il continue à gagner ! 3 Titres de division dans l’ACC, un titre de champion de conférence et 12 apparitions consécutives en Bowl lors de ses passages à Navy et Georgia Tech. Et tout cela avec un style de jeu qui ferait sourire les glorieux anciens.

« On pourrait appeler nos jeux par signaux comme les autres équipes, mais quand j’étais à l’académie navale (de 1995 à 1996 comme coordinateur offensif et de 2002 à 2007 comme coach principal), nos joueur étaient capables de décoder facilement les signaux adverses » affirme Johnson avec un large sourire. « Je suppose que s’ils sont capables de le faire, d’autres personnes pourraient également décoder les nôtres. Du coup, lorsque j’envoie mes joueurs sur le terrain je leur transmets directement les consignes. Je peux par exemple leur dire : 312 switch, Z ou Curl. Je peux ainsi faciliter la vie de mon QB sans m’exposer à l’adversaire »

Paul Johnson
Paul Johnson
Ce n’est pas simplement dans la façon dont il donne ses consignes de jeu que Johnson est « old school ». C’est même surtout dans les jeux qu’il appelle, presque exclusivement des courses en mode « triple option » qui ont fait sa célébrité. Alors que les tendances du jeu moderne consistent à ouvrir au maximum le terrain pour lancer le cuir, Johnson ne cesse de défier la logique dans une approche totalement opposée.

La saison dernière, Georgia Tech a passé le ballon seulement 20% du temps ce qui est le 4ème plus bas pourcentage parmi les 120 équipes de Division 1. Parmi les 3 équipes les précédant, deux ont été coachées par lui : Navy et Georgia Southern, la dernière étant Army.

Lors des trois dernières saisons, seul Army et Navy ont lancé moins de ballons que Georgia Tech (18%). A noté que l’an dernier, profitant des qualités de passeur du QB Justin Thomas, le ratio de passes des Yellow Jackets avait exceptionnellement dépassé les 20%. Sur la même période, aucune équipe FBS n’enregistrait autant de tentatives de courses par match avec 63,3.

Le jeu d’option popularisé par le wishbone dans la fin des années 1960 était encore capable de faire gagner des championnats dans la fin des années 90 lorsque Nebraska avait décroché le titre en abusant de ce paradigme. Mais dans les faits, ce style de jeu reste encore vivant dans de nombreux endroits avec quelques variantes néanmoins. La spread option a clairement changé le positionnement du QB et du RBRunning Back (RB)
Terme générique qui englobe les HB et les FBFullback (FB)
coureur puissant et polyvalent. Il joue le rôle de bloqueur, de receveur et de bulldozer balle en main. Constitue avec les halfbacks (HB), les running backs (RB).
.
sur le terrain mais pas forcément les fondamentaux de l’attaque.

Consigne
Consigne
Mais Paul Johnson coach encore comme les glorieux anciens Darrell Royal ou même Barry Switzer auraient pu le faire. Il fait entièrement corps avec la philosophie de l’option. La plupart des coachs aujourd’hui ont peur de la réputation associée à un jeu trop orienté sur la course qui risque d’handicaper le recrutement.

« Tout le monde joue un peu l’Option de nos jours » affirme Johnson. « Mais les gars ont tellement peur de se voir accoler cette étiquette ! Je me souviens d’Urban Meyer lorsque j’évoluais à Navy et lui du côté d’Utah. Il nous appelait tous le temps à propos de schémas offensifs et il me disait en même temps ne pas vouloir être étiqueté comme un coach spécialiste de l’Option ! ».

L’Option, Johnson l’a joué durant toute sa carrière. Il jouait le wishbone lorsqu’il évoluait à l’Avery County High School dans les Montagnes de Caroline du Nord. Avery County était connue comme étant la capitale mondiale du sapin de Noël mais pas pour grand chose d’autre. Comme la plupart des gamins de Newland, N.C., une bourgade de 800 âmes, Johnson jouait tous les sports que l’on pouvait jouer dans une saison.

« On n’avait même pas un McDonalds où traîner » se rappelle-t-il aujourd’hui. « Le sport est tout ce qui nous restait ».

Il a essayé de jouer à la fois au Football et au Basketball à l’Université de Western Carolina, mais il du se contenter de finir « walk on » pour l’équipe de Foot. Cela ne l’empêche pas de poursuivre une carrière de coach sportif une fois son diplôme obtenu. Il commence comme coordinateur offensif au Lycée où il avait fait ses classes.

Paul Johnson
Paul Johnson
« Mon objectif était de devenir coach principal dans ce lycée » dit-il.

Johnson ne réussira en fait jamais à atteindre cet objectif, puisqu’il débarquera dans le monde du foot universitaire à l’âge de 23 ans et il n’en repartira jamais. Cela fait désormais 35 ans qu’il coach en NCAA et il n’a jamais été licencié ce qui est une performance notable dans ce contexte concurrentiel !

Étrangement, il y a eu encore très peu d’imitateurs. Que ce soit bien ou mal, une attaque construite presque exclusivement autour du jeu de course apparaît assez inamicale aux fans du 21ème siècle. C’est bien plus avantageux pour la réputation d’un coach que de lancer le cuir et jouer à un rythme effréné. Sauf que Johnson a battu pas mal de ces gars !

Lorsqu’elle est bien exécutée, sa version de l’option ressemble à une poésie en mouvement. La ligne offensive et ses techniques de block, qui tous les ans est la cible de plaintes de la part des adversaires est une unité diablement efficace et d’une grande précision. La phase de lecture du QB, la transmission de balle, puis dans un second temps la course ou bien la passe latérale pour le RB. La tenue de balle et les mouvements des coureurs ressemblent à une vraie chorégraphie.

Du coup, cela peut être très amusant à regarder. Vraiment ! Il suffit de jeter un coup d’œil au jeu produit cette année !

Bien sur, Johnson est capable de coacher un Football offensif un peu différent. Il s’y est même essayé au début de sa carrière et il raconte d’ailleurs une histoire amusante à ce propos lorsqu’il a appelé quelques actions pour l’attaque de Tennessee coaché par Phil Fulmer lors de l’Hula Bowl.

Paul Johnson
Paul Johnson
« Tu n’es pas mauvais. Est ce que tu aimerais faire cela pour nous » lui demande Fulmer. Johnson lui répond « Hey gars, si je dois lancer la balle sur une troisième et 2, je quitte l’attaque sur le champ  » avant de partir dans un grand éclat de rire.

La question qui suit est naturelle : « Combien de fois avez vous lancé le cuir sur une 3ème tentative et 2 dans votre carrière ? ».

« Quelquefois » répond-il. « Mais généralement si nous tentons une passe, nous savons qu’il y aura une 4ème tentative !  ».

Il n’y a pas d’autre Paul Johnson dans les 5 principales conférences du Foot US universitaire. Il est tellement à contre-courant un peu comme un Mike Leach sauf que Leach est un fanatique de la passe et que ses concepts ont été largement copiés.

La personnalité de Johnson et son playbook ne sont certainement pas de nature à transcender les foules ni à donner envie aux places fortes du foot universitaire de l’enrôler mais à 59 ans, il se sent bien là où il est et Georgia Tech compte garder fièrement son iconoclaste homme des cavernes, que se soit avec ou sans sa peau de bête !


Quizz "Football Roadtrip 2015" :

En formation "Wishbone option", combien de joueurs peuvent potentiellement courir avec le ballon ?

Les 3 premières bonnes réponses à poster sous forme de commentaires marquent 5, 3 et 1 point.

 

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 Si ma mère portait un casque et des épaulières et un uniforme qui ne seraient pas les mêmes que ceux que je porte, je l'écraserais si elle était sur mon chemin. Et j'aime ma mère.  – Bo Jackson

En VO :  If my mother put on a helmet and shoulder pads and a uniform that wasn't the same as the one I was wearing, I'd run over her if she was in my way. And I love my mother. 

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