Devonta Freeman : la révélationFootball Roadtrip Saison 7 Episode 10
FLOWERY BRANCH, Ga. - Situé dans le conté de Hall, non loin des contreforts des Blue Ridge Mountains, le complexe d’entrainement de Flowery Branch est l’un des plus modernes de toute la NFL. C’est ici que les Falcons ont établi leurs quartiers généraux et qu’à lieu chaque été leur camp d’entrainement. Le parking est encore clairsemé lorsque je gare mon véhicule. En attendant l’arrivée des joueurs, je sirote tranquillement un jus de Raspberry en écoutant des vieux tubes de blues sur une station locale.
L’homme que j’attends ce matin pour tenter de lui arracher quelques mots a particulièrement attiré mon attention car il incarnait à lui seul le bon début de saison des Falcons qui ont alignés 5 victoires de rang avant de marquer le pas les 4 semaines suivantes. Son nom ? Devonta Freeman le RBRunning Back (RB)
Terme générique qui englobe les HB et les FBFullback (FB)
coureur puissant et polyvalent. Il joue le rôle de bloqueur, de receveur et de bulldozer balle en main. Constitue avec les halfbacks (HB), les running backs (RB).. de poche des Falcons qui pointe dans le Top 5 en termes de yards gagné et ce malgré deux matchs où il n’était pas titulaire et le match de samedi ou il s'est blessé dans le premier quart-temps. J’avais eu la chance de le croiser à Florida State alors qu’il n’était que Freshman et sa réussite cette saison m’a fait encore plus plaisir.
L’explosion de Freeman sur la scène NFL a été rendue possible lorsque le titulaire au poste de halfback, le rookie Tevin Coleman s’est fracturé une côte en semaine 2. L’ex-star de Florida State a alors immédiatement saisie l’occasion en prenant une toute autre dimension au sein de l’attaque d’Atlanta. Il prouvait ainsi qu’il était un RB très complet à la fois capable de courir mais aussi de réceptionner le cuir. Il dépassa ainsi allègrement les 150 yards au sol lors de ses 4 premières titularisation ce qui est une sacrée performance. « Il est tellement combatif » dit de lui son coach Dan Quinn « C’est juste impossible de le freiner ! ».
De l’intensité, Devonta Freeman n’en manque pas mais ce serait réducteur de résumer l’homme à ces simples statistiques. Le Football représente évidemment une facette fondamentale du personnage mais en dehors du terrain, son histoire est encore plus intéressante.
Car Freeman est un personnage atypique dans le paysage NFL. Après chaque rencontre, qu’il soit chez lui ou à l’hôtel avec son équipe, il se connecte studieusement à son ordinateur portable et poste des commentaires fouillés sur les effets néfastes des stéréotypes sociaux !
Freeman est en effet actuellement inscrit à deux cours en ligne à l’Université de Florida State aux titres évocateurs : « Psychologie sociale des groupes » et « Introduction aux Métropoles Mondiales ». A la fin de ces deux modules, il ne sera plus qu’à 6 points de l’obtention de son diplôme qu’il a du retarder lorsqu’il a anticipé l’appel de la Draft en 2014 alors qu’il n’était que Junior. « La plupart des gars sont effrayés et découragés quand ils doivent gagner 18 crédits pour obtenir leur diplôme » confie LaToya Williams, sa conseillère pédagogique à FSU. « Généralement, ils remettent cela à la fin de leur carrière. Pas Devonta. Lui est vraiment motivé et veut commencer à grignoter le temps perdu ».
Freeman a contacté Williams lors de sa saison de Rookie. Il a suivit dès lors des cours chaque semestre, y compris cet été. Il est persuadé que s’il a réussi à gérer une grande charge de travail alors qu'il était un étudiant-athlète, pourquoi ne réussirait-il pas maintenant qu’il a significativement plus de temps libre ?
« Attend, il est en train de prendre des cours en ce moment en pleine saison régulière ? » demande interloqué Coleman. « Je n’en savais rien » admet de son côté un autre coéquipier le Guard James Stone.
« Je suis au courant » dit quand à lui coach Quinn, « Mais seulement parce que quelqu’un me l’a dit. C’est si caractéristique de sa personnalité. Il n’a pas envie d’attirer l’attention sur lui. C’est juste un compétiteur. Il a du faire face à tellement de choses dans sa vie mais il n’a jamais cherché d’excuses, il a juste fait face avec beaucoup de hargne. Cela fait de lui un garçon de 23 ans qui est prêt à affronter les challenges de existence ».
Freeman, le 4ème tour de la Draft 2014 a débuté sa carrière NFL en tant que remplaçant du vétéran Steven Jackson. Il a hérité de son poste début Février lorsque Jackson a été coupé par le club mais à cause d’une blessure à la cuisse contractée lors du cap d’entrainement, il a perdu sa place en début de saison au profit du Rookie d’Indiana Tevin Coleman.
Lorsque Coleman s’est blessé à son tour en semaine 2, Freeman a logiquement pris le relais. Mais personne n’avait vraiment vu venir un tel niveau de performance de sa part dans les semaines qui allaient suivre. A part peut être quelqu’un qui avait déjà vu auparavant une partie du film …
En 2009, le coach de Florida State Jimbo Fisher visite la Miami Central High School pour superviser Brandon Gainer, un prospect à haut potentiel au poste de RB. Gainer n’était pas à l’entrainement ce soir là car il prend des cours de rattrapage pour augmenter son niveau académique. Mais Fisher reste tout de même pour assister à la séance et il n’arrive pas à détacher ses yeux d’un Junior de petite taille qui survole littéralement les drills qui lui sont proposés. C’était de très loin le joueur le plus intense sur le terrain. Freeman, à l’époque était une recrue très discrète puisqu’il n’apparaissait pas dans la moindre liste de scouts !
« J’ai marché jusqu’au coach » rapporte alors Fisher « et je lui ai dit : ce jeune tailback, il est encore meilleur que votre starter ! ». Fisher offre alors logiquement une bourse d’étude à Freeman l’été suivant. « Tout le monde pensait que nous étions fous ». Mais lorsque Freeman explose littéralement lors de son année de Senior à Miami Central, gagnant 2208 yards au sol pour 26 TD, alors Auburn, Florida et surtout Miami, l’université qui le faisait rêvé lorsqu’il était gamin tentent de la recruter.
Mais Freeman reste fidèle à FSU et débarque en NCAA sans pour autant perdre de son intensité. A Tallahassee, il est courant que Freeman passe une tête dans le bureau de son coach après l’entrainement. Une fois, le running back était d’humeur sombre, ne cessant de s’excuser pour ne pas avoir bien exécuté un block dans les 10 premières minutes de l’entrainement alors qu’il avait été très performant tout le reste du training. «Je suis tellement, tellement, tellement désolée », bredouille-t-il à son coach. « Cela ne se reproduira plus ».
La seule réponse que puisse faire Fisher : « Je sais ». « Je veux dire, je me sens toujours mal quand l’un de mes joueurs se comporte comme cela » lâche l'entraîneur « A la limite il était trop concerné ».
Williams, sa conseillère académique pensait initialement que Freeman serait un étudiant à problèmes car elle mit près de deux semaines à rentrer en contact avec lui. Après un échange infructueux de messages et de textos, elle s’était dit que Freeman était peut être un fumiste. Mais il s’est avéré que celui-ci suivait scrupuleusement le programme qu’elle lui avait donnée qu’il soit en classe ou au camp d’entrainement. C’est simplement qu’il n’avait pas toujours son téléphone à portée de main.
A Atlanta, Freeman conserve un agenda surbooké. Le lundi, il demande à son coach s’il peut faire des “boxing drills” supplémentaires après l’entrainement, l’un de ses exercices de coordination préféré. Le mardi, il laisse un journaliste poireauter jusqu’à 18h, soit 5h après la période théorique de disponibilité media. Tout cela parce qu’après la réunion organisés par le coaching staff pour les RB, il a voulu aller faire une séance de récupération à base de chaud et froid puis un massage avant de rencontrer à nouveau les coaches.
Lorsqu’il arrive enfin pour l’interview, il s’excuse tout d’abord, indiquant qu’il devait faire en priorité ce que lui imposait son statut de joueur de Football professionnel mais qu’il serait heureux de rester autant que le reporter le souhaiterais. En plus de cela, il a une voix sympathique qui correspond parfaitement à son visage d’adolescent et une qualité désarmante de naturel et de simplicité.
« Je n’ai pas envie d’être moyen » dit il simplement. « Je n’ai pas envie de jouer pour aller encaisser mon chèque en fin de semaine. En fait, je ne sais même pas à quelle fréquence je suis payé car je n’y fais pas vraiment attention. Le point c’est que j’adore le Football et que je veux être le meilleur possible et s’il existe quelque chose en mon pouvoir pour que mon corps aille bien et que je puisse m’améliorer, alors je vais le faire ».
Le matin de la Draft 2014, l’assistant GM des Falcons, Scott Pioli, appelle Jimbo Fisher. Atlanta a déjà fait d’amples recherches sur Freeman mais ils ont besoin de passer un dernier coup de fil pour se rassurer. Fisher dit alors à Pioli : « Faites moi confiance, vous ne regretterez pas d’avoir Devonta Freeman dans votre roster ». L’aventure NFL peut alors débuter.
Aînée d’une fratrie de 7 enfants élevée dans le quartier difficile de Liberty City dans la banlieue chaude de Miami, Freeman aide sa mère et sa grand-mère autant qu’il le peut. Il décroche son premier boulot à 12 ans puis travaille aux pompes funèbres Richardson où il ouvre les portes du corbillard pour en sortir les bouquets de fleurs lors des enterrements. Il est payé 50 $ par funérailles et peut en enchaîner jusqu’à 4 par jour !
Niveau Football, il fait ses classes avec l’équipe de l’Optimist Club dans la ligue de jeunes « Pop Warner ». Là, il est coaché par un certain Luther « Uncle Luke » Campbell, du groupe de rap « 2 Live Crew ». Celui-ci le prend littéralement sous son aile, le conduisant en voiture aux entrainements, invitant toute l’équipe à des « pool parties » et offrant ses conseils pour éviter les problèmes dans le quartier. La femme de Campbell, Kristin, représente d’ailleurs encore aujourd’hui les intérêts de Freeman.
Bien que Freeman ai scrupuleusement suivi leurs conseils, son cœur est resté là où sont ses racines c’est à dire dans le quartier. Chaque fois qu’il obtient une subvention de l’Université, il envoie ces subsides à sa mère et à sa grand-mère pour les aider à payer leurs factures. A Florida State, il essaye de se concentrer uniquement sur le Football mais ce n’est pas toujours facile.
En 2011, il invite son cousin, Antony Darling, à venir vivre avec lui sur le campus. Darling et Freeman ont grandit ensemble, ils ont évolué dans la même équipe de Pop Warner et suivi les cours dans la même école. Ils ont même bien souvent partagé la même chambre dans la maison familiale. Freeman veut faire en sorte que Darling reste en dehors des problèmes du quartier et iI pense que cette parenthèse de quelques mois sur le campus pourrait lui être bénéfique.
Mais Darling retourne à Liberty City en 2012 lors de l’année sophomore de Freeman. La nuit de samedi à dimanche après la victoire des Seminoles 52-0 face à Wake Forest, Freeman est réveillé par un appel de sa sœur. Elle hurlait, ses mots étaient incohérents et incompréhensibles. Darling venait d’être abattu dans un échange de coups de feu. Il avait 20 ans.
C’est l’unique fois où ses coéquipiers ont vu Freeman aussi abattu. Il ne voulait plus manger ni parler et il ne voulait même plus s’entrainer.
« C’est exactement pour cela que je veux retourner à Liberty City » dit-il. « C’est mon quartier. Il y a des gamins qui sont comme moi, des gamins que je peux aider ».
En mai dernier, Freeman termine une séance d’entrainement à Miami et se sent apaisé par un haut niveau d’endorphine. Avec un peu de temps libre devant lui avant la session de l’après-midi, il décide de faire un crochet par « Sport Authority », le Décathlon local et achète 60 ballons de Football ! Il poste ensuite une photo sur Instagram avec le commentaire suivant : « Je donne gratuitement des ballons de Foot dédicacés par mes soins avant de retourner bosser. Premiers arrivés premier servis ! Retrouver moi au croisement de la 62ème rue et la 13ème avenue #YallComeOn. ».
Près de 100 gamins se sont présentés. « Je me sentais si mal ». « Je n’avais pas assez de ballons pour tout le monde. Je ne pensais pas avoir un tel impact».
L'influence de coach Quinn dans sa première année avec les Falcons a été prépondérante dans la bonne entame de saison d’Atlanta. L'ancien coordinateur défensif des Seahawks a des méthodes détonantes. Il a par exemple embauché un DJ pour faire passer du hip-hop à l’entrainement, et il distille des vidéos Youtube pendant les réunions d’équipe. Mais il a avant tout réussi à mettre en place ses schémas défensifs certes simples mais agressifs et le tout dans un état d’esprit commando ou l’urgence prime sur le reste, ce qui faisait défaut à la fin de l'ère Mike Smith.
Bien sûr, Quinn a également hérité d'un QBQuarterback
c'est le stratège de l'équipe. Il décide des tactiques avec ses coachs. Il est chargé de transmettre la balle à ses coureurs et de distiller les passes à ses receveurs. solide en la personne de Matt Ryan, d’un receveur racé comme Julio Jones et d’un GM performant avec Thomas Dimitroff qui travaille efficacement en tandem avec son ami de longue date et ancien GM ds Chiefs Scott Pioli.
Ensemble, ils ont vraiment donné à Freeman la possibilité de réussir. Pro Football Focus a classé au 30ème rang la ligne offensive des Falcons en 2013 et au 26ème rang en 2014. La saison dernière, cette ligne a été tellement ravagée par les blessures qu'à un moment donné, le TE Levine Toilolo a du être aligné au poste de Right Tackle.
Avec un nouveau coordonnateur offensif Kyle Shanahan qui a mis en œuvre un schéma original de « zone blocking », les Falcons ont du bouger pas mal de pièces de leur puzzle pour comprendre comment leur attaque pouvait mieux fonctionner. Sur les neuf joueurs de ligne offensive d'Atlanta, six sont nouveaux cette saison et quatre (Andy Levitre, Gino Gradkowski, Bryce Harris et Jake Long ) n’étaient même pas dans le roster pour le dernier match de pré-saison . Alors qu’après cinq semaines de championnat, la ligne offensive d'Atlanta pointait au sommet de la ligue d’après Pro Football Focus !
Au-delà de cette ligne en progrès, les meilleurs atouts de Freeman sont clairement sa vision et sa capacité à s’engouffrer dans les brèches créées pas ses bloqueurs en donnant le coup de rein nécessaire au bon moment. Freeman est aussi capable de prendre le large et c’est un excellent receveur. Son côté « double menace » a également permis d’enlever un peu de pression à Julio Jones qui devait souvent faire face à des prises à deux.
Maintenant que Coleman est de nouveau opérationnel physiquement, Quinn continue à miser sur Freeman qui lui apparait désormais comme une évidence au poste.
« Quand vous arrivez dans une franchise, vous devez faire l’état des lieux » dit Quinn, en référence à sa prise de poste et à l’examen détaillé du roster qui s’en suivi. « Tout le monde ne correspond pas à ce que vous voulez mettre en place mais il y a beaucoup de joueur qui m’on plu. Devonta Freeman rentre parfaitement dans cette catégorie ».
L’équipe adore joueur pour Quinn car il leur donne des perspectives et de la force.
« Avec lui vous pouvez être vous-même » rapporte Freeman. « Vous pouvez faire ce que vous voulez faire. Tout ce dont vous avez besoin c’est de vous battre chaque jour, d’être intense et ne pas chercher d’excuses. Ce sont les trois règles les plus simples du monde non ? ».
Cette simplicité est peut être ce qui a fini par décider Freeman de terminer ses études. D’autres dans l’équipe pourraient suivre son chemin. Lorsqu’il a appris la « double vie » de son coéquipier, Coleman qui a quitté Indiana alors qu’il n’était que Junior s’est montré lui aussi très intéressé par sa démarche.
Retour sur le parking où je patiente depuis 30 bonnes minutes. Devonta vient d’arriver. Le voilà qui s’extrait de son véhicule. J’aimerais lui faire signer un ballon pour un ami. Je me suis placé stratégiquement juste à l’entrée principale et Freeman prendra le temps le nécessaire pour aposer sa signature. « Merci pour ce que vous faites » lui glissais-je dans un anglais heurté « J'espère que vous serez remis samedi, je suis venu exprès de France pour vous voir !». En guise de réponse, Devonta me lâchera un sourire qui en dit long ...
Quizz "Football Roadtrip 2015" :
Combien Devonta Freeman a-t-il de frères et sœurs ?
Les 3 premières bonnes réponses à poster sous forme de commentaires marquent 5, 3 et 1 point.
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